Ils ont l'image tenace de guerriers barbares et chevelus, se gavant de sangliers rôtis sous leur casque ailé: à Clermont-Ferrand, une exposition bat en brèche les stéréotypes collant aux Gaulois.
Cette manifestation confronte le mythe à la réalité historique, à l'aune des récentes découvertes archéologiques.
Labellisée d'"intérêt national" par le ministère de la Culture, l'exposition "Tumulte gaulois" réunit jusqu'au 23 novembre près de 300 œuvres, issues des importantes collections auvergnates et renchéries par les prêts de plusieurs autres musées français et étrangers.
Peuples celtes de tradition orale vivant sous l'Âge de Fer, allant de -850 à -50 ans avant Jésus Christ, les Gaulois n'ont laissé aucun écrit dans leur langue.
C'est Jules César qui décrivit le premier les Gaulois, ces habitants de la Gallia, un territoire situé de l'autre côté des Alpes, dans son ouvrage "La guerre des Gaules" (52-51 av JC), dans lequel il relate ses conquêtes militaires.
Par la suite, textes et sculptures antiques présentèrent les Gaulois comme des barbares sanguinaires et échevelés: "des représentations qui passeront à la postérité et serviront de source aux artistes des siècles suivants", explique Amandine Royer, conservatrice au musée d'Art Roger-Quilliot (MARQ), l'un des deux musées clermontois à présenter cette exposition.
- "Celtomanie" -
A la Renaissance apparaît la figure légendaire de l'Hercule gaulois, dont se servirent les rois de France pour asseoir leur suprématie. Puis à la fin du XVIIIe siècle, en pleine "celtomanie", peintres et sculpteurs trouvèrent une inspiration féconde dans les Poèmes d'Ossian, de l'Ecossais Macpherson, ou dans l'épopée en prose "Les Martyrs" de Chateaubriand. Ils représentent alors des hommes à l'aspect surnaturel et fantastique.
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Mais c'est surtout sous le Second Empire que se multiplient les images fantaisistes et fantasmées du Gaulois. Les artistes de l'époque s'emparent des vestiges archéologiques (casques, épées, boucliers) exhumés des fouilles du site archéologique d'Alésia, ordonnées par Napoléon III. Des objets dont la datation révélera par la suite qu'ils remontaient en réalité à l'Age de Bronze, soit plusieurs siècles avant les Gaulois.
Sous la IIIe République, son image stéréotypée par l'école républicaine fut ensuite glorifiée afin d'exalter le sentiment national, avant de servir la propagande pétainiste sous le régime de Vichy.
- Peuple prospère -
"Le maréchal Pétain se réapproprie la figure de Vercingétorix, le vaincu qui sait reconnaître la défaite et accepter la puissance civilisatrice de son vainqueur", explique Amandine Royer.
Autre iconographie plus actuelle, la publicité qui véhicule une image de "bon vivant" et de qualité "Made in France". Ou encore le succès de la bande dessinée Astérix, contribuant fortement à populariser cette représentation pourtant anachronique.
En effet, les récentes fouilles archéologiques effectuées ces dernières années en terre arverne ont révélé un "peuple prospère, à l'activité commerciale avec la Méditerranée déjà intense, et ce, bien avant l'arrivée des Romains", affirme Christine Bouilloc, la directrice du musée Bargoin, qui accueille la partie archéologique de l'exposition.
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Point de hutte en bois mais "de grandes fermes aristocratiques qui surproduisent pour les villes alentours", comme l'attestent les sites de Corent et d'Aulnat-Gandaillat (Puy-de-Dôme). "Ils ne chassaient pas non plus les sangliers mais élevaient des poulets, des porcs, ni ne taillaient de menhirs, qui datent du Néolithique", assure la conservatrice.
Reste que de nombreux sites archéologiques, tels que l'imposante sépulture de Gondole près du Cendre (Puy-de-Dôme), découverte en 2009, n'ont pas livré tous leurs secrets.
"Une chose est sûre, le Gaulois était un être raffiné, qui possédait des accessoires de toilettes (peignes, pinces à épiler), d'écriture et de chirurgie, à mille lieux de l'homme moustachu et frustre que l'on a longtemps représenté", assure encore, mordicus, la directrice du musée.