Jacques Toubon, 73 ans, dont la nomination comme Défenseur des droits a été critiquée, du fait notamment de ses prises de position sur la peine de mort et la dépénalisation de l'homosexualité, a affirmé mercredi être dans un état d'esprit "offensif", décidé à se montrer "audacieux" sur certains sujets comme la famille ou les Roms.
QUESTION: Dans quel état d'esprit vous trouvez-vous à la veille de votre prise de fonction?
REPONSE: "Je suis dans un état d'esprit offensif, à trois titres. D'abord, depuis plusieurs mois, avec la maladie et la disparition de Dominique Baudis, et malgré les efforts des services, il y a un certain nombre de dossiers qui sont en instance et donc il y a nécessité d'un coup de collier.
Deuxième chose, le besoin d'accès aux droits est non seulement d'une importance déterminante mais à mon avis en croissance exponentielle.
Enfin, les conditions dans lesquelles s'est passée cette longue période de nomination font que ma responsabilité personnelle est de justifier la confiance de ceux qui m'ont fait confiance et de donner tort à ceux qui ne m'ont pas fait confiance. Cela veut dire, sur beaucoup de sujets, ne pas être en retrait mais plutôt audacieux."
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Q: Sur quels sujets comptez-vous être offensif?
R: "Sur les questions qui tiennent aux enfants, à la famille, on a l'impression que sur le plan politique, il y a une sorte de blocage, formé sur un combat idéologique. Or ce sont des questions sur lesquelles il y a désormais de la jurisprudence, comme l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) sur les enfants nés de gestation pour autrui (GPA) à l'étranger. Si le gouvernement ou le parlement ne veulent pas donner de suites à l'arrêt de la CEDH, je pense que nous, il faudra que nous le fassions.
Sur la situation des Roms, on voit bien comment le gouvernement, les élus locaux marchent sur des œufs. Peut-être que nous, nous avons la possibilité d'être plus tranchés que peut l'être le gouvernement.
Nous avons aussi devant nous beaucoup de choses à faire en ce qui concerne les discriminations, le handicap, le racisme."
Q: Comptez-vous vous emparer du sujet des contrôles d'identité "au faciès", dénoncés par les associations antiracistes?
R: "Ce sera un des premiers sujets que je voudrais traiter. Je voudrais que nous aboutissions d'ici la fin de l'année à des conclusions sur ce sujet et que nous puissions porter ces conclusions auprès du gouvernement. On a proposé le matricule, il est partiellement mis en place. C'est une des voies vers laquelle il faut qu'on aille davantage."
Q: Le Défenseur des droits ne souffre-t-il pas d'un déficit de notoriété?
R: "Le Défenseur est une institution jeune, nouvelle, qui est sûrement encore trop peu connue. Nous avons 100.000 saisines par an. On a l'impression que c'est beaucoup, en fait je pense que ce ne l'est pas. Aujourd'hui, le Défenseur est saisi par des personnes qui appartiennent à des catégories qui font partie des classes moyennes, ou par des groupes organisés. Je voudrais que le Défenseur des droits soit connu et saisi par les personnes les plus démunies.
Les situations de non reconnaissance des droits, d'injustice, d'inégalité sont tellement répandues qu'il y a certainement des centaines de milliers de gens qui, s'ils savaient qu'il existe cette voie, pourraient y recourir."
Q: Par rapport à Dominique Baudis, quel type de Défenseur serez vous?
R: "J'ai une différence avec lui, c'est que je suis, au départ, plus expérimenté sur un certain nombre de sujets, dans le domaine du droit, par exemple. Mais en même temps, Dominique Baudis était un homme qui avait une sorte de surface médiatique qu'il avait acquise par son métier, que moi je n'ai pas. Je veux être un Défenseur des droits libre, libre et libre. Et qui soit disponible et actif."
Q: Comment avez-vous vécu les semaines précédent votre nomination, qui a été très critiquée?
R: "Ces 5 semaines pendant lesquelles j'ai été vilipendé m'ont été un peu pénibles mais en même temps c'est une formidable chance pour le Défenseur des droits parce qu'aujourd'hui tout le monde a entendu parler du Défenseur des droits. Pour de mauvaises raisons, mais peu importe. Je le dis avec un petit sourire: à quelque chose malheur est bon."