Remède inespéré contre la tabagie pour les uns, outil pervers qui perpétue la dépendance pour les autres, la cigarette électronique est plus que jamais aux centres des débats à la veille de la journée mondiale sans tabac, qui sera célébrée samedi.
Un nombre croissant de professionnels de santé saluent les vertus de ces gros stylos qui permettent d'inhaler de la nicotine sous forme de vapeur, ou des produits qui en sont dépourvus, pour aider les fumeurs invétérés à réduire voire arrêter totalement leur consommation de cigarettes.
Les études se multiplient aussi pour montrer que l'outil s'avère plus efficace que les habituels patchs à la nicotine (ou gommes à mâcher) prescrits par les médecins.
L'une des dernières en date, publiée dans la revue britannique Addiction, évalue qu'un fumeur aura 60% de chance en plus d'arrêter de fumer avec l'aide d'une "e-cigarette" qu'avec sa seule volonté.
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Le point faible des "e-cigarettes" est qu'elles risquent de perpétuer la dépendance à la nicotine, reconnaissent les spécialistes.
"On ne sait pas encore si l'utilisation à long terme des cigarettes électroniques comporte des risques pour la santé mais d'après ce que nous savons de la composition, ce sera beaucoup moins dangereux que la cigarette", dit le tabacologue Robert West de l'University College de Londres.
Une cinquantaine d'experts internationaux en santé ont profité de la journée sans tabac pour appeler l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à encourager la cigarette électronique plutôt que de chercher à la réprimer.
"Le potentiel de ces produits (...) pour réduire le fardeau des maladies dues au tabagisme est très grand, et ces produits pourraient être parmi les innovations les plus importantes du 21e siècle en matière de santé", soulignent-ils dans une lettre dont l'AFP a eu copie.
Environ 1,3 milliard de personnes fument actuellement et selon l'OMS, le tabac pourrait provoquer au cours du 21e siècle jusqu'à un milliard de morts.
-C'est la fumée qui tue-
Ce groupe de médecins - dont le cancérologue et ex-ministre italien Umberto Veronesi ou l'ex-directeur du Fonds mondial contre le sida Michel Kazatchkine - juge "contre-productif d'interdire la publicité pour les e-cigarettes".
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"Les gens fument pour la nicotine, mais meurent de la fumée", disent-ils. La grande majorité des morts et maladies imputables au tabac proviennent en effet de l'inhalation de particules de goudron et de gaz toxiques dans les poumons.
Les e-cigarettes et autres produits du tabac non fumé, comme le snus (tabac que l'on cale dans un coin de la bouche) consommé en Scandinavie, présentent de "faibles risques" en comparaison de la fumée du tabac et "peuvent devenir des alternatives viables au tabagisme dans l'avenir", jugent ces médecins.
Il est vrai que l'OMS, qui a appelé pour la journée mondiale à accroître les taxes sur le tabac pour réduire la consommation, garde jusqu'à présent une approche relativement conservatrice de la cigarette électronique.
Son innocuité et son efficacité pour arrêter de fumer ne sont pas démontrées et son utilisation "est vivement déconseillée", estime l'organisation dans la dernière fiche d'information officielle sur le sujet.
A l'image des médecins signataires de l'appel à l'OMS, les associations anti-tabac françaises adoptent une attitude de plus en plus positive vis à vis de la "e-cig".
Le président de l'association "Alliance contre le tabac", Yves Bur, tempère toutefois: "il faut éviter de s'emballer. Il est clair que la cigarette électronique est terriblement moins dangereuse qu'une cigarette ordinaire, mais il faudrait pas que des jeunes entrent dans l'addiction à la nicotine par elle".
Une récente enquête auprès de collégiens et lycéens parisiens semble apaiser cette crainte. D'après cette étude conduite par l'association "Paris sans tabac", l'e-cigarette aurait au contraire pour effet de "ringardiser" le vrai tabac et de faire baisser la tabagie des jeunes Français.