Benjamin Millepied signe avec "Daphnis et Chloé" à l'Opéra de Paris son plus ambitieux ballet à ce jour et ... cherche la maison idéale où s’installer dans la capitale avec son épouse Natalie Portman et leur fils, avant de prendre la tête de la célèbre compagnie parisienne en novembre.
"On cherche, on cherche", lance-t-il en riant. "On n'a pas encore trouvé mais on y est presque je crois". L'actrice américaine est là incognito: pas question de voler la vedette à son époux chorégraphe. "En général, on fait en sorte que l'un travaille et l'autre pas, pour s'occuper de notre fils" (Aleph, bientôt 3 ans), dit-il.
"C'est mon ballet le plus ambitieux parce que c'est la partition la plus difficile à conquérir, c'est une heure d'une musique très, très belle, mais avec parfois de longs moments écrits pour la pantomime, où il n'y a pas forcément de rythmes sur lesquels s'appuyer", explique à l'AFP le chorégraphe, 36 ans.
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L'oeuvre, inspirée d'un roman grec du IIe siècle, a été commandée à Maurice Ravel en 1909 par Michel Fokine pour les célèbres Ballets russes. Elle conte les amours du berger Daphnis et de Chloé, enlevée par les pirates de Bryaxis, puis délivrée par les Nymphes et le dieu Pan. Ravel a créé une "symphonie chorégraphique", selon ses propres mots, où les images musicales accompagnent l'intrigue et les personnages. Une musique toute en jaillissements, en ondes évoquant les couleurs, la nature, l'allégresse de l'amour.
"C'est une oeuvre qui vole, qui n'est pas terrestre, mais aussi une oeuvre difficile qui fait peur à beaucoup de chorégraphes", reconnaît Benjamin Millepied.
C'est Brigitte Lefèvre, directrice de la danse à l'Opéra de Paris, qui a eu l'idée de confier le ballet il y a deux ans à Benjamin Millepied, bien avant qu'il soit nommé pour lui succéder en novembre prochain. Elle a invité Daniel Buren, dont le grand public connaît les compositions géométriques (les "colonnes de Buren" du Palais Royal) à créer les décors.
De grandes figures colorées, cercle, carré, triangle, se détachent en fond de scène, accompagnant une musique qui transporte dans un univers de lumières et de couleurs. Fait exceptionnel pour un ballet, c'est le chef de l'Opéra de Paris, Philippe Jordan, qui dirige.
- Pas de deux 'amoureux' -
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Benjamin Millepied, dont la danse se caractérise à la fois par une belle énergie et par une grande sensualité dans les pas de deux "amoureux", a voulu garder l'histoire du berger et de sa belle, "inscrire une oeuvre narrative assez classique dans la modernité". Pour autant, le chorégraphe et ancien danseur étoile du New York City Ballet a choisi de conserver des passages sur pointes: "on a envie, quand on écoute cette musique, de voir les filles sur la pointe des pieds, ça c'est quelque chose dont je n'ai aucune raison de me priver!"
Il décrit son bonheur d'avoir travaillé avec 23 danseurs du corps de ballet "plein de poésie", dont Aurélie Dupont (Chloé) et Hervé Moreau (Daphnis).
"C'est de l'or", dit-il à propos de la compagnie, qu'il s'apprête à diriger dans moins de six mois. "Il y a plus de danseurs talentueux que dans n'importe quelle compagnie du monde".
Lui qui a fait l'essentiel de sa carrière aux Etats-Unis, où il est parti à 16 ans, refuse l'étiquette "américaine". "Il y a cette idée que je déteste quand on dit l'expérience américaine", s'insurge-t-il. Et de rappeler que le fondateur du New York City Ballet où il a fait ses classes était un certain Balanchine, "avec une approche russe, celle du Mariinsky de Saint-Pétersbourg".
Il espère apporter au ballet de l'Opéra "une approche de la musique, le fait qu'on ne la sépare pas de la danse, une certaine approche du pas de deux aussi, qui est d'une grande finesse chez Balanchine". A voir ses propres pas de deux, Millepied en est le digne héritier.