Cinquante ans de vie politique ininterrompue, une direction collégiale, un bon réservoir de jeunes: l'Union Démocratique Bretonne (UDB), qui marque de son empreinte la vie politique de la Bretagne depuis sa fondation, célèbre ce week-end à Lorient ses 50 ans.
L'UDB, "c'est d'abord une exceptionnelle longévité politique. Elle participe à tous les grands débats politiques qui animent la société bretonne depuis les années 60", constate Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS: "culture, langue, décentralisation, écologie, développement économique ou inégalités territoriales".
Une autre grande spécificité du parti, qui sera présent aux Européennes, est d'être "clairement ancrée à gauche depuis sa création" en 1964, complète Tudi Kernalegenn, chercheur en sciences politiques.
Tous deux viennent de publier, aux Presses universitaires de Rennes (PUR), un ouvrage consacré à la formation politique bretonne, sous-titré: "un parti autonomiste dans un Etat unitaire".
L'UDB ne remet pas en cause l'appartenance de la Bretagne à la France mais elle veut "un pouvoir régional fort", doté de prérogatives législatives et financières, à l'image de l'Ecosse ou la Catalogne, note M. Kernalegenn. Le tout au sein d'une Europe sociale.
"Le parti a une base militante structurée, ce qui est assez exceptionnel à l'heure actuelle (....) Il est aussi réputé comme un partenaire très fiable dans ses alliances", considère Romain Pasquier.
"L'UDB répondait à mes priorités: défense de la langue et la culture bretonnes, questions environnementales et préoccupations sociales. C'est le seul parti où je trouvais les trois réunies", explique Mona Braz, conseillère régionale et adjointe à la mairie de Guingamp, adhérente depuis 1973.
Mais, "quand on adhère à l'UDB, on sait dès le départ que ce n'est pas pour faire une carrière politique", rappelle-t-elle.
- un laboratoire d'idées -
Pourtant, avec ses quelque 800 militants actuels sur les cinq départements de la Bretagne historique, le parti s'est inscrit dans le paysage institutionnel: près de 100 élus municipaux revendiqués, 4 conseillers régionaux alliés à la majorité socialiste, et, depuis 2012, un député apparenté.
ci-dessus
Fidèle à ses objectifs, l'UDB est aussi présente sur le terrain des luttes sociales, y compris dans les grands rassemblements des Bonnets Rouges à l'automne dernier, sans être cependant représentée officiellement dans les instances du mouvement.
Malgré cette présence dans le débat d'idées comme dans la vie publique, ses résultats électoraux restent modestes, rarement au-dessus de 5% quand elle n'est pas dans une stratégie d'alliance.
"L'UDB a une direction collégiale, sans président, sans secrétaire général, personne qui incarne le parti. C'est à la fois sa force et sa faiblesse, analyse M. Kernalegenn. C'est cohérent avec ses principes, mais ça ne l'aide pas dans le système politique actuel qui pousse à la personnalisation".
Le chercheur constate aussi que le parti est "un laboratoire d'idées" que, "de plus en plus, s'approprient les autres partis en Bretagne: ça marque son influence, mais ça le dessert, ça lui coupe l'herbe sous le pied".
Ainsi, l'idée défendue par le député PS Jean-Jacques Urvoas, "d'une Assemblée de Bretagne, regroupant région et départements, est une vieille revendication de l'UDB. Mais depuis qu'elle est reprise par Urvoas, elle est devenue centrale en Bretagne alors qu'avant, ça relevait de l'utopie! C'est un peu cruel pour l'UDB", relève Tangi Kernalegenn. "L'UDB a eu raison trop tôt", tempère M. Pasquier.
Gaël Briand, 30 ans, est le rédacteur en chef du mensuel, "Le Peuple Breton", vendu en kiosque et publié sans interruption depuis 50 ans. Membre depuis 2007, il appartient à cette jeune génération qui représente environ 20% des effectifs, souvent très investis. "Je suis rentré à l'UDB, dit-il, parce que c'est un parti qui réfléchit, pas qu'une machine à gagner des élections".
Ancien président de région, Jean-Yves Le Drian reconnaît, comme d'autres, sa "dette idéologique" envers l'UDB à laquelle il dit lui-même avoir été tenté d'adhérer dans sa jeunesse, rappelle Tudi Kernalegenn. L'actuel ministre de la Défense a rendu hommage samedi, dans une vidéo diffusée pour cet anniversaire, à ces compagnons de route.