Mercredi sort au cinéma "24 jours", d’Alexandre Arcady, sur la mort du jeune Ilan Halimi, assassiné par le Gang des barbares en 2006. Président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Roger Cukierman espère que de nombreux Français, juifs ou non, iront le voir.
Que retenir du film 24 jours ?
C’est un film très important, et il est important que beaucoup de gens, juifs ou non, le voient, car il nous dit bien des choses sur la société française. On voit que c’est à cause d’un antisémitisme nourri par des fantasmes et des préjugés (les juifs sont riches, contrôlent tout...) que la bande de Fofana a agi. Et ces fantasmes ont des conséquences, car il y a eu mort d’homme.
Vous dites aussi qu’il nous éclaire sur la jeunesse...
La bande de Fofana était composée de « Blacks, Blancs, Beurs », des garçons et des filles, à l’image de la jeunesse des banlieues d’aujourd’hui. Et ce qui m’a frappé, c’est que parmi eux, alors qu’ils savaient qu’Ilan était menotté, brûlé, torturé, traité comme un animal, pas un seul n’a pensé qu’il fallait appeler la police, même anonymement. Cette absence de sens moral est terrible. Ce n’est pas un fait divers, mais le miroir de notre société.
La douleur est-elle encore vive aujourd’hui pour les juifs de France ?
Ce n’est pas un acte isolé. En 2012, avec Merah, on a vu qu’un jeune français pouvait aller à la sortie d’une école pour tirer à bout partant sur une fillette. C’est une trace d’inhumanité qui semble se poursuivre. Le nombre d’actes antisémites a baissé en 2013 après la flambée de 2012, mais sur Internet, on assiste à une libération de la haine, de la parole raciste et antisémite.
La communauté juive craint-elle aujourd’hui qu’un tel drame se reproduise ?
Oui car on nous dit qu’il y a aujourd’hui 500 citoyens français partis faire le jihad en Syrie. Mais lorsqu’ils reviendront, on peut craindre le pire. Le danger sera non seulement pour les juifs, mais pour la France aussi.
À travers 24 Jours, pensez-vous que le cinéma a un rôle à jouer pour apaiser ce climat ?
Le cinéma peut jouer un rôle d’information, et je souhaite vivement que ce film ait du succès...Il est important de faire comprendre que la haine antisémite est un cancer aux conséquences graves, qui peut détériorer la mentalité de notre jeunesse. ... Les juifs vivent en France depuis 2 000 ans et en ont marre d’être des cibles, ne comprennent pas cet état de bouc émissaire qu’on leur attribue.
L'affaire en 3 dates :
20 janvier 2006. Ilan Halimi, juif de 23 ans, rejoint à Sceaux (Hauts-de-Seine) une fille rencontrée dans le magasin de téléphonie où il travaille. Il est enlevé puis séquestré à Bagneux.
21 janvier 2006. Youssouf Fofana, chef des ravisseurs, envoie une photo d’Ilan à sa famille et demande une rançon.
13 février 2006. Ilan est retrouvé agonisant près de la gare de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne). Portant des traces de torture, il meurt peu après.