Cinq années de crise semblent finalement avoir rattrapé le mécénat d'entreprise, avec des baisses enregistrées à la fois dans son montant global et, chose nouvelle, en nombre de sociétés contributrices, leur priorité allant au social mais aussi de plus en plus à la santé.
Le taux de mécénat est en effet passé en deux ans de 31% à 21% chez les entreprises de plus de 20 salariés, selon un baromètre bisannuel dévoilé jeudi par l'association Admical.
Ce baromètre, qui prend en compte pour la première fois les TPE à partir d'un salarié, montre un taux global de 12% des entreprises françaises engagées dans le mécénat, soit environ 159.000.
"Alors que les budgets avaient déjà connu une réduction sensible ces dernières années, c'est cette fois le nombre d'entreprises mécènes qui diminue", a indiqué à l'AFP Henri Loyrette, président de l'organisme.
Le budget global s'est légèrement tassé: il est estimé au total pour 2014 à 1,8 milliard d'euros, contre 1,9 milliard en 2012, une tendance à la baisse observée depuis 2008, lorsqu'il culminait à 2,5 milliards.
"C'est une situation réellement préoccupante, d'autant plus que les besoins sociétaux n'ont jamais été aussi urgents et nécessaires", estime Henri Loyrette.
Pour l'ancien président-directeur du Louvre, à la tête d'Admical depuis octobre, cette désaffection s'explique évidemment par le contexte morose de l'économie française, qui a affecté d'abord l'engagement des petites entreprises.
En effet si 28% des grandes entreprises et des ETI sont mécènes, un taux stable, l'engagement des PME (14%) est en baisse, s'approchant de l'implication des TPE (11%).
Le président d'Admical pointe également du doigt un autre facteur de déstabilisation, les attaques contre la déduction fiscale, menacée en 2012, qui auraient créé une incertitude décourageante.
Il réfute d'ailleurs l'idée selon laquelle une majorité d'entreprises se lancent dans le mécénat afin de profiter du dispositif "tout à fait remarquable" permettant de déduire de l’impôt sur les sociétés 60 % du montant des dons.
"Ce n’est pas systématique car seulement 45% des entreprises l’utilisent", souligne M. Loyrette, les plus modestes étant celles qui font jouer le moins souvent la réduction fiscale.
Pour les séduire, Admical souhaite une modification de la loi Aillagon de 2003 qui avait permis un développement sans précédent en France du mécénat d'entreprise et individuel.
L'association réclame une franchise de 10.000 euros pour toutes les entreprises au-delà de laquelle s'appliquerait le seuil actuel de 0,5% du chiffre d'affaires hors taxe à ne pas dépasser.
Avant d'obtenir éventuellement gain de cause, les perspectives à court terme ne poussent pas à l'optimisme: 13% des mécènes interrogés ne sont ainsi pas en mesure de se prononcer sur l'avenir de leur budget, quand 10% pensent le diminuer et 8% le supprimer.
"Plus l’entreprise est petite, plus l’incertitude sur l’avenir est grande", relève M. Loyrette.
Parmi les domaines privilégiés, le social reste le budget le plus important (1,06 milliard d'euros), avec un accent mis sur l'insertion professionnelle et l'entrepreneuriat social.
Ce domaine est deux fois plus soutenu par les ETI et les grandes entreprises que par les PME, et trois fois plus que par les TPE.
Il est suivi par la santé (448 millions d'euros), qui fait son apparition parmi les secteurs fortement mobilisateurs.
Le culturel souffre le plus, passant de 494 à 364 millions d'euros en deux ans, le mécénat patrimonial y étant relativement épargné à l'inverse de celui sur la création.
Quant au sport, s'il est le domaine le plus choisi par les entreprises (56% y contribuent), son budget demeure faible: 140 millions d'euros (380 millions d'euros il y a 4 ans), soit seulement 5% du total.
Fondé en 1979 et rassemblant près de 200 adhérents, Admical est un organisme indépendant, reconnu d'utilité publique, qui représente les acteurs du mécénat auprès des pouvoirs publics, des médias et des instances internationales.