Jean-Claude Mas, le fondateur de la société varoise PIP, et quatre de ses anciens collaborateurs, jugés au printemps pour avoir vendu, durant des années, des implants mammaires frauduleux, connaîtront mardi leur peine dans le premier procès de ce scandale retentissant aux 7.400 victimes.
Après un procès en avril-mai d'une ampleur exceptionnelle, dans un centre des congrès de Marseille transformé en prétoire, en présence de 300 avocats et d'autant de victimes, une forte affluence est attendue en début de matinée aux abords du tribunal, où des plaignantes ont prévu de se rassembler.
Contre "l'apprenti sorcier des prothèses", selon l'expression du procureur, ont été requis en mai quatre ans de prison ferme, 100.000 euros d'amende et une interdiction définitive d'exercer dans le secteur médical ou de gérer une entreprise.
Pour les autres prévenus, d'anciens cadres de PIP jugés comme M. Mas pour tromperie aggravée (par la dangerosité pour la santé des personnes) et escroquerie (aux dépens du certificateur TÜV), le parquet a réclamé des peines moins lourdes.
Quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis, assortis de 50.000 euros d'amende, pour Claude Couty, directeur général puis président du directoire de PIP ; trois ans dont un avec sursis, pour Hannelore Font, directrice de la qualité ; trois ans dont 18 mois avec sursis, pour Loïc Gossart, en charge de la production ; enfin deux ans dont 18 mois avec sursis, pour le responsable de la R&D Thierry Brinon.
Mme Font, M. Brinon et M. Gossart étaient poursuivis comme complices.
Plus de 7.500 ruptures
Tous ont reconnu à l'audience la fraude, révélée en mars 2010, sur le gel de silicone des implants, différent du Nusil déclaré officiellement, pour un gain annuel chiffré à un million d'euros. Mais Jean-Claude Mas, 74 ans, qui a tenté d'effacer son image d'homme autoritaire en présentant des excuses aux victimes, a persisté à en nier la nocivité, quand ses co-prévenus, à l'exception d'un seul, ont dit en ignorer les risques.
Le procès n'a pas permis de trancher cette question centrale de la dangerosité du produit, les études étant plutôt rassurantes, malgré un taux de rupture et de "transsudation" des prothèses supérieur à la normale.
Le dernier bilan de l'Agence des produits de santé (ANSM) fait ainsi état de plus de 7.500 ruptures et 3.000 effets indésirables, principalement des "réactions inflammatoires", pour un nombre de porteuses estimé à 30.000 en France (plusieurs centaines de milliers dans le monde).
Entamés dans une ambiance fébrile, sous les huées de la salle, les débats ont fait apparaître "la terrible normalité de l'anormalité de la société PIP", a résumé dans sa plaidoirie Me Jean Boudot, l'un des avocats de la défense.
Dans l'entreprise, les 120 salariés savaient et n'ont rien dit, aidant même à contourner les contrôles. Une absence de "sursaut citoyen" que les employés, prévenus ou témoins, ont mis sur le compte de la peur du patron autoritaire qu'était Jean-Claude Mas, la "routine" et la difficulté à dénoncer un système eu égard aux emplois en jeu.
En quête d'indemnisation
A cette transgression collective, s'ajoutent l'inefficacité des inspections du géant allemand TÜV et l'alerte tardive de l'ANSM, tous deux parties civiles au grand dam des plaignantes, en quête d'une indemnisation face à des prévenus insolvables.
Dans une procédure civile parallèle, elles ont remporté une première victoire: le tribunal de commerce de Toulon a jugé mi-novembre le leader du contrôle qualité responsable, estimant qu'il avait "manqué à ses obligations de contrôle", et l'a condamné à "réparer les préjudices" causés.
"Ce n'est pas parce que TÜV a été jugé responsable que TÜV n'a pas été victime d'escroquerie", tempère le conseil de la société, Me Olivier Gutkès, rappelant les manoeuvres opérées par PIP avant chaque contrôle: "documents de traçabilité falsifiés, double base de données, dissimulation des fûts"... Il regrette par ailleurs que TÜV, qui a fait appel de la décision de Toulon, ait été la cible des avocats de victimes, simplement parce que "nous sommes les seuls solvables".
L'agence sanitaire a également défendu son action, évoquant les limites de la réglementation européenne qui a depuis évolué.
Outre ce procès, deux autres dossiers sont encore à l'instruction à Marseille, l'un pour blessures involontaires, l'autre pour banqueroute frauduleuse et blanchiment.