Le tribunal de commerce de Toulouse a jugé lundi que la vente de cigarettes électroniques hors du réseau des buralistes constituait pour ces derniers une "concurrence déloyale", et a ordonné à un commerçant spécialisé de cesser de les vendre.
Le vendeur d'e-cigarettes incriminé, Esmokeclean, installé depuis juin à Plaisance-du-Touch en banlieue toulousaine, a été condamné à "cesser toute promotion ou propagande des cigarette électroniques" et au-delà, à cesser "toute commercialisation". Mais loin de se laisser intimider, il a immédiatement annoncé qu'il allait faire appel, ce qui suspend le jugement.
L'avocat du buraliste qui avait saisi le tribunal de commerce pour concurrence déloyale, Me Bertrand Desarnauts, a souligné que le tribunal de commerce n'avait "fait qu'appliquer la loi", en estimant que dans le code de la santé publique les produits de substitution sont considérés comme "des produits du tabac" et la cigarette électronique "est donc naturellement concernée par cet article" (L3511-1).
Comme le réclamait le buraliste, Hervé Pontus, le tribunal a donc estimé que "la SAS Esmokeclean viole le monopole d'Etat sur la vente du tabac".
La boutique mise en cause soutient au contraire que la cigarette électronique ne fait l'objet d'aucune règlementation et ne tombe donc sous le coup d'aucun monopole. L'avocat d'Esmokeclean Me Benjamin Echalier parle de "vide juridique" tant que "le législateur n'a pas pris ses responsabilités".
En attendant, selon lui, la e-cigarette est un "produit de consommation courante"
Appel immédiat contre le jugement
Il souligne que le jugement du tribunal de commerce "n'est qu'un jugement de première instance, un cas d'espèce qui ne lie même pas d'autres tribunaux de commerces". Pour Me Desarnauts au contraire, il devrait "faire jurisprudence".
L'avocat des deux vendeurs d'e-cigarettes, Eric Fossat et Reynald Pirat, a souligné dès l'annonce du jugement qu'il allait faire appel "immédiatement". Cet appel est suspensif. "Nous allons continuer à faire de la promotion sur internet et à commercialiser dans nos deux boutiques et sur internet", a affirmé Eric Fossat, en soulignant que "en Haute-Garonne, 80% des e-cigarettes sont déjà vendues par des buralistes".
La décision des juges consulaires de Toulouse, le premier jugement de ce type en France, était très attendue au niveau national.
La confédération des buralistes a prévenu qu'en cas de décision favorable, elle encouragerait les 27.000 débitants de tabac de France à suivre l'exemple du buraliste toulousain. Elle a allumé un contre-feu en poussant ses adhérents à vendre eux-mêmes la cigarette électronique, ce que 70% font déjà, selon elle.
Les professionnels de la cigarette électronique, eux, font valoir qu'il s'agit d'un "produit sensible" dont la vente doit être confiée à des vendeurs spécialisés.
Cette action en justice est intentée au moment où l'Europe se penche sur une nouvelle législation anti-tabac plus contraignante, concernant aussi les e-cigarettes. Le Parlement européen, le 8 octobre, s'est montré moins sévère que ne le demandait la Commission européenne, qui voulait confiner leur vente aux pharmacies.
La cigarette électronique connaît une croissance fulgurante. Un récent sondage réalisé par Ipsos pour Clopinette, leader du marché en France, a révélé qu'environ dix millions de Français, soit près d'un Français sur cinq, l'avaient déjà testée.
Pour l'Office français de lutte contre le tabagisme (OFT) et l'association indépendante d'usagers de la cigarette électronique Aiduce, le recours à ces produits explique au moins pour partie la baisse des ventes de tabac en France depuis près de deux ans. Sur l'ensemble de l'année 2012, le marché du tabac a baissé de 4,9% en volume.