"Je leur faisais confiance. J'avais peur". Violée à plusieurs reprises sur fond de rites vaudous, une adolescente de 17 ans a raconté mercredi aux assises les "pressions" infligées par l'agresseur et par sa propre mère, accusée de l'avoir livrée au violeur par superstition.
"Il a essayé de me détruire", a expliqué la jeune femme, cheveux tirés vers l'arrière et visage juvénile, à quelques mètres de l'accusé, jugé depuis mardi devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis. "Il disait que si je refusais les cérémonies, j'allais mourir".
L'adolescente, à l'époque des faits, vivait au domicile de sa tante à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), où elle avait emménagé après avoir redoublé sa classe de collège pour suivre des études dans un établissement jugé plus strict par sa mère.
C'est dans une chambre de cet appartement, situé dans la Cité des Joncherolles, qu'elle a été violée à cinq reprises par l'accusé, un Togolais de 28 ans qui vivait alors en concubinage avec sa tante, entre fin 2010 et début 2011.
"Il me disait que c'était pour mon bien", "il disait qu'il allait chasser les mauvais esprits", a témoigné l'adolescente, qui accuse sa mère, une franco-camerounaise d'avoir cautionné les viols, au prétexte de la "désenvoûter".
"Elle lui donnait les préservatifs, puis elle sortait de la chambre". Après le premier viol, "il lui a dit qu'il avait besoin de 15 séances, puis il lui a demandé de l'argent", détaille la jeune femme.
Voix posée, émotions contenues, l'adolescente raconte avoir perdu pied, après avoir demandé à sa mère, sans succès, de lui venir en aide. "Je ne pensais pas qu'elle pouvait me faire du mal. Je lui faisais confiance", explique-t-elle.
"Soit tu couches avec une mineure, soit tu tues un albinos"
Appelée à la barre, l'accusée, âgée de 41 ans, nie en bloc. "Elle ment. Je n'ai jamais eu ce genre de conversations avec elle", assure cette mère de quatre enfants, décrite comme "naïve" et "vulnérable" par les experts.
Poussée dans ses retranchements par le président de la cour, la quadragénaire, qui comparaît libre, assure n'avoir "pas su". "Tout ce que j'ai pratiqué avec les enfants, c'était des prières et des purges", affirme-t-elle.
Selon l'accusation, elle participait régulièrement, avec ses trois filles, à des cérémonies organisées par le violeur présumé, qui leur demandait de se dénuder et prétendait les "protéger" en leur passant un oeuf et du parfum sur le corps et le sexe.
Lors de ces séances, l'accusé aurait imposé des lavements génitaux à ses victimes et leur aurait entaillé les mains et les pieds avec une lame de rasoir, avant d'insérer dans les plaies une poudre noire considérée comme magique.
Dans son box, l'accusé assume. "C'est une coutume ancestrale", assure le jeune homme, qui prétend avoir agi "sous l'influence" d'esprits "supérieurs" au moment des viols commis sur la cadette des trois soeurs.
"J'étais allé voir des vaudous au Togo, à la demande de ma belle-soeur. Les vaudous m'ont dit: soit tu couches avec une mineure, soit tu tues un albinos", explique l'accusé, qui dit avoir choisi la première option pour ne pas "ôter la vie d'une personne".
"Vous êtes quelqu'un a priori de sensé, en tous cas, vous n'êtes pas dément. Quand on vous dit de tuer un albinos ou de violer une mineure, vous ne vous dites pas, là, il y a quelque chose qui ne va pas?", s'étonne le président de la cour d'assises.
Léger silence de l'accusé. "Je ne voulais pas le faire, mais il y a eu des menaces. Nous étions sous leur emprise", assure le jeune homme, décrit comme un "manipulateur" par les victimes.
Le verdict est attendu vendredi.