Starck, Habitat, Holder... Des grands noms arrivés en fanfare aux Puces de Saint-Ouen dépoussièrent le plus grand marché d'antiquaires au monde, qui en avait besoin, éprouvé par une baisse de la fréquentation ces dernières années.
Devant les marchés Paul-Bert et Serpette, propriété du duc de Westminster, un antiquaire cire consciencieusement un fauteuil abîmé par les ans. En face, un couple d'Allemands l'observe, sirotant un café à la terrasse de "ma Cocotte", le restaurant designé par Starck où il faut se montrer.
A l'image du célèbre designer français, installé depuis près d'un an, des "Puciers" branchés se sont fait une place parmi les brocanteurs, faisant courir un souffle nouveau dans les allées du marché, créé en 1870.
"Au départ, les antiquaires étaient un peu sceptiques, +Starck+ ce n'est pas forcément leur truc et ils ont subi plus de deux ans de travaux", se rappelle Boris Terdjman, directeur de "Ma cocotte". "Mais tout se passe très bien. On a amené du monde, on a fait parler des Puces, c'est positif pour tout le monde", se réjouit-il dans un décor de meubles chinés et d'objets glanés.
Chaque midi, "entre 500 et 600 personnes" viennent déjeuner, pour un ticket moyen de 32 euros et font même la queue le week-end pour décrocher une place.
A quelques dizaines de mètres de là, l'enseigne d'ameublement Habitat a créé un espace vintage de 25.000 m2 qui abrite aussi le concept-store L’Éclaireur et une buvette. Sur fond de musique électro, de jeunes Parisiens branchés viennent y dénicher les pièces uniques qui rendront jaloux leurs amis.
Se moderniser sans perdre son âme
A travers ces arrivées très médiatisées, "on a vu arriver une nouvelle clientèle jeune, aisée, qui a vu que les Puces avaient bougé", note Serge Malik, du Marché aux Puces (MAP), association qui fédère 1.400 commerçants. "Il y a deux ans, il y avait des boutiques, des stands vides. Aujourd'hui, le prix des baux est remonté".
Le fondateur des boulangeries Paul, Francis Holder, a aussi investi, en achetant un immeuble rue des Rosiers, au coeur du marché. Et dans la rue Paul-Bert, les rideaux mécaniques des brocanteurs ont été revisités à la bombe par les artistes de Graff'Art.
"Pour moi, c'est une nouvelle ère qui commence, sans perdre en tête que les Puces, c'est le plus grand marché d'antiquaires au monde et ça le restera", martèle Patricia Ederhy, présidente du MAP.
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Les brocanteurs traditionnels n'ont d'ailleurs pas attendu ces arrivées pour se moderniser. Avec la baisse de la fréquentation liée notamment à la crise, à la concurrence d'internet et des vide greniers, "ils ont dû revoir leurs habitudes. Certains n'avaient pas de site internet ou de lecteur de carte bancaire", explique Patricia Ederhy. Ils se sont rassemblés en association et organisent des événements comme le Mondial des Puces, les 4 au 6 octobre prochains, qui rythment la vie du marché.
Les Puces, classées "zone de protection de patrimoine architectural, urbain et paysager" en 2001 doivent toutefois relever encore plusieurs défis pour conserver leur ambiance de village: "la sécurité, la circulation et le stationnement des voitures, la contrefaçon", déroule la maire de St-Ouen, Jacqueline Rouillon. Pour rassurer touristes et commerçants et dissuader les voleurs, des caméras de vidéosurveillance seront déployées dès octobre.
Se pose aussi la question de la vétusté de certaines boutiques après l'effondrement, sans victimes, de l'auvent de plusieurs boutiques le 30 août.
Pour Serge Malik, l'enjeu est de faire évoluer les Puces "sans leur faire perdre leur âme": "Il faut montrer qu'on n'est pas des +vioques+ et en même temps qu'on n'est pas une grande surface".