Bruxelles a provoqué jeudi la colère de la France en décidant de supprimer les aides à l'exportation pour les poulets congelés, dont la France restait quasiment le seul bénéficiaire, en premier lieu les groupes bretons Doux et Tilly Sabco.
"Le Comité de gestion +produits animaux+ a voté aujourd'hui sa mise à jour habituelle des taux de restitution à l'exportation, sur la base de la situation favorable du marché, et a réduit à zéro les taux de restitution pour la viande de volaille", a indiqué Roger Waite, porte-parole de la Commission européenne pour l'agriculture.
Le ministère français de l'Agriculture a aussitôt déploré une "décision brutale" qui "fragilise la dynamique de restructuration engagée par les opérateurs depuis plusieurs mois".
Les volaillers français, qui se trouvent en grande difficulté du fait notamment de l'augmentation des coûts de production, n'attendaient pas une décision si rapide et pensaient avoir quelques mois devant eux.
La France a rappelé que la réforme de la Politique agricole commune prévoit de modifier les conditions de mise en œuvre des restitutions à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle PAC 2014-2020" ce qui rendait "possible" le maintien du dispositif jusqu'à la fin de l'année.
La décision est "un coup de poignard dans le dos de l'aviculture", elle est "incompréhensible et inacceptable", s'est insurgée dans un communiqué la Confédération française de l'Aviculture (CFA). Elle "en appelle à la responsabilité du gouvernement français et lui demande de tout mettre en oeuvre pour faire revenir la commission sur sa décision".
Les "restitutions" constituent des aides à l'exportation du poulet congelé entier pour des marchés spécifiques, principalement la CEI (communauté des Etats indépendants, ex-URSS) et le Moyen-Orient.
93% des fonds versés à la France
Pour la période juillet 2012-juin 2013, elles ont représenté un total de 55,36 millions d'euros, pour 264.754 tonnes. De source européenne, 93% de ces fonds ont été versés à la France, qui a réalisé 94,67% des exportations concernées.
La décision de les supprimer "est fondée sur la situation du marché, au vu en particulier des tarifs élevés pratiqués sur le marché interne et de la réduction prévue des coûts pour l'alimentation" des volailles, ainsi que des "flux positifs des exportations européennes vers les pays tiers", a précisé M. Waite.
La Commission avait demandé un avis positif des Etats, mais a échoué à obtenir la majorité requise, a précisé une source européenne. En dernier ressort, elle a donc tranché seule.
Pour la CFA, "rien ne justifie" cette décision car "les prix sur le marché mondial se sont très fortement dégradés au cours des derniers mois avec des prix de +dumping+ de nos concurrents comme le Brésil".
Les groupes Doux et Tilly-Sabco, principaux exportateurs de volaille en Europe (plus de 2.000 salariés travaillant à l'export selon une source proche de la filière) ont aussi pointé le Brésil, qui "bénéficie historiquement d'une monnaie, de coûts salariaux et d'élevages bien plus faibles et de tarifs céréaliers bien moins élevés".
Ils ont appelé "l'Etat français à prendre ses responsabilités". "Il s'agit de prendre des mesures d'urgence permettant le maintien du système des restitutions le temps que les différents acteurs du marché puissent adapter leurs structures" (...), réclament les deux groupes en soulignant que "des milliers d'emplois sont en jeu".
Le président (PS) du Conseil régional de Bretagne, Pierrick Massiot, a aussi estimé que "rien" ne justifiait "cette remise à zéro des aides". "Avec les ministres, avec la filière, la Région engagera toutes les initiatives possibles", écrit-il dans un communiqué.
Le ministère de l'Agriculture a promis de faire "très rapidement le point avec les opérateurs concernés et l’ensemble de la filière export pour étudier les conséquences immédiates de cette décision, et poursuivre le travail d’adaptation".