Confronté à une nouvelle affaire de plagiat, le Grand rabbin de France Gilles Bernheim commençait mardi à être lâché par son entourage, qui attendait de lui des explications sur ces accusations.
Le porte-parole de M. Bernheim avait indiqué en fin de semaine dernière que celui-ci pourrait s'exprimer mardi, sans confirmation toutefois depuis.
"Bouleversé par les révélations successives", le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives), Richard Prasquier, qui le soutient, "imagine la tourmente dans laquelle il vit". Mais il écrit dans sa newsletter qu'"il doit une explication à la communauté juive, frappée derrière lui et plus largement à la communauté nationale dans laquelle sa place est importante".
"Certains parmi ses proches commencent à le lâcher", se désespère de son côté Jonathan Hayoun, président de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), interrogé par l'AFP. "Ils en ont vraiment assez du silence insupportable de celui qui a toujours incarné un judaïsme ouvert".
Déjà très partagée sur l'avenir du Grand rabbin, la communauté juive a fort mal encaissé la divulgation de deux nouveaux plagiats lundi soir sur le site "Archéologie du copier-coller" de l'universitaire Jean-Noël Darde.
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Cette fois, les "emprunts" du Grand Rabbin concernent l'essai qu'il a fait paraître à l'automne contre le mariage pour tous, intitulé "Mariage homosexuel, homoparentalité et adoption: ce que l'on oublie souvent de dire". Un essai salué comme celui d'un "sage" par de nombreux catholiques et même cité publiquement par le Pape Benoît XVI, le 21 décembre dernier.
Sur son site, Jean-Noël Darde met en évidence le rapprochement qu'a fait un "vrai lecteur" entre certains passages de l'essai et l'ouvrage "L'idéologie du Gender. Identité reçue ou choisie", du prêtre Joseph-Marie Verlinde, fondateur de la Fraternité monastique de la famille de Saint-Joseph.
Un autre plagiat concerne la reprise, mot pour mot, d'une interview de Béatrice Bourges, présidente du "Collectif pour l'enfance", catholique ultra-conservatrice en première ligne contre le mariage et l'adoption par les personnes de même sexe.
Sentiment de désastre
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Depuis une semaine, les nuages s'amoncellent au-dessus du Grand rabbin, malgré le soutien inconditionnel de certains, comme Yves Kamami, membre du bureau exécutif du Consistoire israélite de Paris. "Les attaques qu'il subit sont lâches et démesurées par rapport à ce qu'on lui reproche", écrit-il dans un communiqué, rappelant que le Grand rabbin de France, "qui n'a pas démérité dans sa charge, a ouvert le débat sur la place de la femme juive dans le judaïsme et, plus largement, la place de la famille dans notre société".
Gilles Bernheim avait reconnu mercredi dernier un plagiat et un mensonge, admettant avoir réagi "avec maladresse" quand les premières accusations de plagiat étaient apparues à l'encontre de son ouvrage "Quarante méditations juives".
Ses ennuis avaient commencé quand un professeur agrégé, Pierre Girardey, avait repéré des similitudes troublantes entre son livre et des réponses du philosophe décédé Jean-François Lyotard à Elisabeth Weber, publiées en 1996 dans "Devant la loi" (Desclée de Brouwer).
De fil en aiguille, et en croisant des recherches sur internet et en bibliothèque, l'universitaire Jean-Noël Darde portait le coup de grâce sur son blog. Il retrouvait des extraits entiers des fameuses méditations empruntés à divers écrivains.
Vendredi dernier, on découvrait par ailleurs que le Grand rabbin ne figurait pas dans les listes des agrégés de philosophie de l'Université, comme il s'en prévalait dans différentes notices biographiques, y compris celle du Who's Who, où il était entré il y a six mois.
La révélation de ses nouveaux plagiats a accru le sentiment de désastre ressenti au sein de la communauté juive, les uns plaidant pour un soutien inconditionnel à Gilles Bernheim, les autres appelant à sa démission.