Vingt ans après, Didier Schuller repart à la conquête de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine). L'ex-élu RPR, qui a purgé sa peine prononcée en 2007 pour financement illégal de son activité politique, a fait son retour sur scène à l'automne en annonçant son désir de se présenter aux élections municipales de 2014.
De ses déboires judiciaires, l'ancien poulain de Charles Pasqua, âgé de 65 ans, fait aujourd'hui table rase. "J'ai payé ma dette et surtout celle des autres. Bon nombre d'hommes politiques français ont été condamnés et cela ne les a pas empêchés de refaire de la politique", assure-t-il, attablé dans un café près de la mairie avec quelques soutiens.
En 1994, l'énarque d'origine alsacienne avait créé la surprise dans ce fief de gauche en arrachant le canton au maire socialiste Gilles Catoire. C'était avant de faire la une de la chronique judiciaire.
En 1995, poursuivi pour avoir fait financer illégalement ses activités politiques à Clichy par des entreprises en contrepartie de marchés de l'office HLM départemental dont il avait été directeur général, il s'enfuyait et se réfugiait en République dominicaine.
En 2002, il rentrait et, cinq ans plus tard, était condamné par la cour d'appel de Paris à 3 ans de prison dont un ferme, 150.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité dans l'affaire des HLM des Hauts-de-Seine, condamnation qui anéantissait son projet de retour pour les municipales de 2008.
Interrogé sur les péripéties de Jérôme Cahuzac, Didier Schuller dit ne pas se sentir "du tout concerné par ce qui lui arrive". "Nos deux histoires n'ont rien à voir. Lui a menti, pas moi. Je suis parti et j'ai fermé ma gueule", dit-il.
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En 2010, la justice l'a rétabli dans ses droits civiques et a effacé la condamnation de son casier judiciaire. De quoi lui donner envie de se relancer à l'assaut du bastion du PS et de recroiser le fer avec Gilles Catoire, affaibli par une majorité délitée. Son retour, Didier Schuller l'a annoncé lors d'une dégustation de Beaujolais nouveau en novembre chez Mouloud, un restaurant de la ville.
"Un côté très méditerranéen"
"Il y avait 250 à 300 personnes ravies qu'il revienne", assure Patrice Pinard, l'un de ses plus fervents soutiens et président de l'UDI de Clichy.
"Didier c'est la seule alternative crédible à droite. Entre Clichy et lui, c'est une histoire d'amour qui n'a pas été au bout. S'il avait été candidat en 1995, Gilles Catoire ne serait plus maire aujourd'hui", s'enflamme le quadragénaire volubile.
En 1994, la campagne de Didier Schuller avait fait l'objet d'un documentaire, "La conquête de Clichy", véritable mode d'emploi sur le clientélisme en politique.
Le réalisateur Christophe Otzenberger se souvient d'un "VRP absolument magistral", "capable de tout pour remporter l'élection". "Il était représentatif de tous les politiques et était capable d'être catholique devant une église, musulman devant une mosquée, juif devant une synagogue", raconte le metteur en scène.
Dans ce film, Didier Schuller arpente le bitume aux côtés de sa directrice de campagne et compagne de l'époque, Christelle Delaval, remariée depuis à Jean-Marie Messier. Il tente de convertir le premier badaud venu, serre des mains à foison, fait la bise aux femmes qu'il croise.
Roger Karoutchi, sénateur et secrétaire départemental de l'UMP des Hauts-de-Seine, se rappelle un homme avec "un côté très méditerranéen dans son approche avec les gens" et qui était "très présent sur les marchés". Mais, "a-t-il toujours la même envie, le même dynamisme?", s'interroge l'ancien secrétaire d'Etat.
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Observateur avisé de la vie politique clichoise, le conseiller municipal communiste et sénateur honoraire Guy Schmaus, 80 ans, émet lui aussi des réserves. "On me dit qu'il se balade beaucoup dans Clichy, qu'il fait les cafés mais cela ne suffit pas à faire un rassembleur", dit-il.
Pas soutenu par Balkany
Certain de sa légitimité, Didier Schuller, qui a vieilli mais a conservé son côté beau parleur, certifie avoir réuni plus d'un millier de personnes de différentes tendances politiques - UMP, UDI et gauche - dans son association "Le rassemblement des Clichois".
L'ex-conseiller général RPR appelle à l'organisation d'une primaire pour désigner un candidat unique à droite car, dit-il, "les gens en ont assez des combines de parti" et les militants "marre de perdre à Clichy", une ville "maltraitée" selon lui.
Mais l'UMP locale ne partage pas son enthousiasme, en particulier le chef de file de l'opposition à droite, Rémi Muzeau. "Il risque de tout faire capoter alors qu'on a une vraie chance de battre Catoire", déplore l'intéressé. Candidat malheureux en 2001 et 2008, ce chef d'entreprise de 66 ans a le soutien du député (UMP) de la circonscription Patrick Balkany, dont Didier Schuller a été le suppléant à l'Assemblée nationale et un ami. Les deux hommes avaient comparu ensemble au procès des HLM des Hauts-de-Seine mais le maire de Levallois-Perret, lui, avait été relaxé.
Pour ce dernier, "les appuis locaux de Schuller ont pris de la bouteille". Et d'ajouter: "En vingt ans, de l'eau a coulé sous le pont de Clichy. Le monde a changé. Lui non."