L'âpre bataille judiciaire entre l'unique héritier et ami intime de Charles Trenet, les dirigeants sous mandat d'arrêt d'une société danoise, et la famille du chanteur, se déroulera sur trois fronts cette semaine, à Grasse, Paris et Créteil.
Georges El Assidi, 52 ans, fut pendant vingt ans le secrétaire particulier de l'artiste (mort à 87 ans en 2001). Le chanteur le désigna comme légataire universel dans un testament rédigé en 1999.
Celui-ci sera contesté sept ans après la mort du "fou chantant" par sa demi-soeur Lucienne (80 ans) et son neveu Wulfran (42 ans).
Entre-temps, le très endetté Georges avait décidé en 2006 de céder une somptueuse villa d'Antibes (pour 4 millions d'euros) et surtout les droits d'auteur de Charles Trenet (pour 1,5 million d'euros) à "Nest", une société danoise, dirigée par le Français Maurice Khardine et l'avocat danois Johan Schlüter.
L'héritier, qui dit vivre du RSA, affirme n'avoir jamais perçu un centime et être victime d'escrocs sans scrupules.
Un juge d'instruction parisien a lancé en juin des mandats d'arrêt internationaux contre les deux dirigeants de Nest qui n'avaient pas répondu à ses convocations.
Quant aux fameux droits d'auteur de Trenet -jusqu'à 500.000 euros par an, percevables durant 70 ans- ils ont été mis sous séquestre par la justice française depuis 2007, en attendant un arbitrage au Danemark prévu en mai.
Tous les protagonistes de cet imbroglio clament avec véhémence leur bon droit et sont parties prenantes cette semaine dans trois rendez-vous judiciaires. L'auteur de "La Mer" et "Douce France", dont on fêtera en mai le centenaire de sa naissance, a quelques motifs de se retourner dans sa tombe.
Mardi, le tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes) rendra un jugement sur une plainte pour vol de l'héritier de Trenet, venu réclamer une centaine d'objets de l'artiste.
Il aimerait récupérer un billard laqué blanc, un piano droit, des tableaux peints par Charles Trenet, une tapisserie d'Aubusson ou encore des diplômes et divers bibelots se trouvant dans la villa d'Antibes dessinée par l'artiste.
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Une société française contrôlée par le danois Nest occupe les lieux sans payer de loyer, depuis la promesse de vente non concrétisée de la villa. La maison est désormais propriété de la banque de M. El Assidi.
Ce premier rendez-vous de la semaine se présente mal pour l'héritier: lors du procès fin novembre, le ministère public n'avait pas fait de réquisitions, estimant qu'il s'agissait d'"un problème de succession de célébrité" ne relevant pas du pénal.
Mercredi, la Cour d'appel de Paris examinera une nouvelle demande d'annulation du testament déposée par l'avocat de Lucienne Trenet.
Lucienne et Wulfran Trenet avaient déposé en 2008 et 2009 des plaintes pénales contre l'unique héritier pour abus de faiblesse, mais aucune n'avait abouti. En 2011, ils l'ont assigné au civil pour demander la nullité du testament, sans succès.
Ils ont affirmé, sans preuve a estimé jusqu'ici la justice, que le testament aurait été dicté sous la contrainte et ils ont parlé de violences volontaires.
Vendredi, Georges El Assidi entend être lavé de telles allégations devant le tribunal correctionnel de Créteil. Il attaquera pour dénonciation calomnieuse et association de malfaiteurs Maurice Kardhine, Lucienne et Wulfran Trenet. Même si une première plainte similaire avait été classée en 2010, selon son nouvel avocat Francis Pudlowski.
"Je ne peux pas laisser faire, je veux que ces gens s'expliquent. Ils m'ont sali, ils m'ont traité d'assassin, j'ai tout perdu à cause d'eux", fulmine Georges El Assidi.
"J'attends une réparation morale et financière à hauteur de 75.000 euros. Qu'il soit clair qu'il a été victime de voyous", précise Me Pudlowski. Selon lui, Trenet n'était pas proche de Lucienne dont le mari était homophobe.
"C'est plus de la gesticulation qu'autre chose. Ces demandes sont aussi infondées en droit qu'en fait", a assené pour sa part un avocat de Maurice Khardine, Me Gérard Baudoux. "M. El Assidi est quelqu'un d'extrêmement procédurier".