Un étudiant, à peine sorti de cours, vient faire quelques emplettes. Dans ses mains, des paquets de biscuits, plusieurs tablettes de chocolat et des briques de lait. A la caisse de l'épicerie solidaire étudiante de Brest, la facture défie toute concurrence: moins de 50 centimes.
En octobre 2011, la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) et son antenne Gaelis, lançaient à Lyon la première Agoraé, nom des épiceries solidaires étudiantes.
Objectif: permettre à des étudiants qui connaissent des difficultés financières "d'avoir accès aux produits alimentaires", à prix cassés, grâce à la Banque alimentaire, explique Maixent Genet, membre du bureau national de la Fage.
Depuis, trois autres ont ouvert leurs portes, à Brest, Lille et Nice, et plusieurs autres sont prévues, notamment à Nantes, Angers, Reims ou Avignon, mais aussi Paris, pour une ouverture en 2013.
Le projet part d'un constat: "l'augmentation de la précarité étudiante", rappelle Maixent Genet. Or, selon la Fage, "ce sont les budgets santé et alimentation qui sautent en premier" en cas de problèmes financiers, auxquels les étudiants tentent de remédier en travaillant, au péril de leurs études. L'aide alimentaire permet d'éliminer un des principaux soucis dus à la précarité.
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A Brest, ville qui compte quelque 23.000 étudiants, le petit libre-service a été inauguré fin septembre sur un des sites de l'Université de Bretagne occidentale. Ici, les prix des produits alimentaires "équivalent à 10% de ceux des grandes surfaces", explique Mathieu Heurtebise, président de la Fédé B, la Fédération des associations étudiantes de Bretagne occidentale, porteuse du projet brestois.
Le steak hâché à 60 centimes
Dans les rayons, les paquets de 500 g de pâtes s'affichent ainsi à 7 centimes. Les 250 g de café sont facturés 0,18 euro et la confiture 0,15 euro. Quant au kilo de steack hâché, on le paye 0,60 euro. On trouve aussi des laitages, des boîtes de conserve, ou du poisson surgelé, mais aussi des produits d'hygiène, à 30% de leur prix en grande surface.
Depuis la rentrée, 37 étudiants, en grande majorité sans ressources, souvent étrangers, bénéficient après examen de leur dossier, de cette opportunité, limitée à deux années universitaires maximum. Des jeunes dont le "reste à vivre", une fois payés loyer, transport, factures, assurance et téléphonie mobile notamment, se situe "entre 2,20 et 7,20 euros" par jour, souligne Mathieu Heurtebise. "Et on est plus près des 2 euros. Avec ça, il faut manger, s'acheter des fournitures, des vêtements, sortir", ajoute-t-il.
Une situation que connaissent Walib et Massi, deux étudiants Algériens en informatique de 25 ans, en attente de carte de séjour et donc, pour l'instant, dans l'impossibilité de travailler.
"Et nos parents n'ont pas beaucoup de ressources", précisent les deux jeunes hommes. "On est dans l'obligation de tout calculer", disent-ils, encore sidérés par les sommes dépensées lors de leurs premiers mois brestois, entre inscription à la fac, loyer et caution du studio qu'ils partagent.
Pour eux, dépenser 3 euros par jour pour un repas au restaurant universitaire, "c'est tout simplement pas possible". L'Agoraé représente ainsi "la solution" et ils y achètent dorénavant environ 60% de leur nourriture mensuelle, allant chercher en ville "des fruits, des jus et la viande halal".
A l'épicerie solidaire, les achats ne sont pas illimités: un étudiant ne peut y dépenser qu'au maximum 5 euros par mois, soit, au tarif grande surface, 50 euros environ.
Une somme qui permet de couvrir 40% des besoins alimentaires, selon les calculs de la Fédé B, qui ambitionne maintenant de démarcher commerces et grandes surfaces pour récupérer les denrées périssables ou les invendables, grâce à l'utilitaire reçu de la Fondation PSA.
Autre ambition: aménager un accueil pour faire de l'Agoraé un vrai lieu de vie, d'échanges et de rencontres.