A proximité de la porte d'Orléans, dans le sud de Paris, derrière un banal mur d'enceinte se niche le réservoir de Montsouris, l'une des cinq grandes réserves d'eau potable de la capitale, "palais" souterrain soutenu par 900 piliers édifiés au 19e siècle.
"C'est un réservoir semi-enterré, dont la première mise en eau remonte à 1874 à l'issue de grands travaux pour reconstruire le réseau d'assainissement de la ville", explique Bruno N'Guyen, coordinateur de la production et de la distribution pour la régie municipale Eau de Paris.
"A l'époque, poursuit-il, du fait de la pollution de la Seine, nous sommes allés chercher de l'eau très loin, à plus de 100 km de Paris" en Seine-et-Marne, dans l'Yonne et l'Eure-et-Loir.
Le schéma imaginé alors est aujourd'hui toujours exploité. L'eau - moitié issue de sources, moitié de rivières - est acheminée via trois aqueducs, avant d'être traitée dans des usines aux portes de Paris, puis dirigée vers les principaux réservoirs.
Celui de Montsouris a une capacité de 300.000 m3, le volume de stockage total de Paris étant de 1,1 million de m3. Mais les réservoirs sont loin d'être toujours pleins, la consommation d'eau quotidienne - de l'ordre de 525.000m3 - est même en baisse constante, précise Eau de Paris qui a repris la gestion de l'eau dans la capitale depuis 2010.
"C'est aussi le plus joli à visiter", glisse Bruno N'Guyen, avant d'inviter quelques journalistes à plonger dans les entrailles de cet ouvrage d'art exceptionnel, très rarement ouvert à des regards extérieurs.
Considéré comme "sensible", le site autrefois accessible au public lors des journées du patrimoine est depuis 2001 soumis aux strictes conditions de Vigipirate.
Une fois une porte en fer franchie, une galerie d'un à deux mètres de large permet de pénétrer dans un des quatre compartiments souterrains du réservoir, tous indépendants les uns des autres.
Quelques mètres plus loin, le couloir débouche sur un balcon d'où l'on découvre en contrebas une eau d'un bleu méditerranéen.
Trois hectares
Le regard est attiré par cette masse translucide, puis se perd dans la perspective créée par l'alignement de dizaines de solides piliers se rejoignant par des voûtes à plusieurs mètres de haut.
"Le niveau de l'eau est aujourd'hui à 1,70 m et il peut aller jusqu'à 4,20 mètres", indique Jean-Pierre Blondin, responsable des réservoirs à Eau de Paris. "Il y a en fait deux compartiments supérieurs, d'où part l'eau vers les canalisations grâce à une pression naturelle, et deux inférieurs qui servent de stockage", précise-t-il.
Chacun fait 254 mètres de longueur et 127 de largeur, soit une surface de plus de trois hectares.
La visite se poursuit en s'engageant dans la coursive où l'éclairage n'est pas suffisant pour sortir l'eau et les piliers de la pénombre.
Des canalisations d'un bon mètre de diamètre apparaissent néanmoins dans certaines allées du bassin, avec des vannes autrefois actionnées à la main et télécommandées à distance depuis les années 60.
Des escaliers en béton ou des échelles métalliques permettent à certains endroits de descendre au niveau de l'eau. Ca et là, quelques bouées de secours d'un orange vif tranchent avec les murs ocre ou grisâtre.
Retour à l'air libre après un dernier coup d'oeil sur les enfilades de piliers.
De l'extérieur, l'ouvrage est quasi-invisible à l'exception de trois tours de briques et de verre aux armatures métalliques, points d'arrivée des aqueducs de Loing et de Vanne, et d'une vaste esplanade plate et herbeuse.
Dessous repose l'eau potable de la rive gauche, prête à bondir dans une partie des 1.990 km de canalisations de Paris alimentant chaque jour 3 millions de personnes.