La 29ème Rencontre annuelle des Musulmans de France s'ouvre vendredi au Bourget dans une pesante atmosphère de suspicion, marquée par les arrestations en série d'islamistes radicaux présumés et la mise en garde de Nicolas Sarkozy à son organisatrice, l'UOIF.
La pression contre les dérives islamistes, née de l'affaire Mohamed Merah, le "tueur au scooter" de Toulouse et Montauban, est allée crescendo dans la campagne électorale, se focalisant sur les salafistes et l'Union des Organisations islamiques de France.
Le rassemblement annuel de l'UOIF, du 6 au 9 avril, est la plus importante rencontre des musulmans en France, attirant plus de 100.000 visiteurs chaque année au Parc des Expositions du Bourget, près de Paris. L'UOIF est la deuxième fédération de l'Islam de France qui regroupe plus de 200 associations et 450 salles de prière.
Les hostilités ont été déclenchées par la candidate du Front National Marine Le Pen, qui a dénoncé le 23 mars, la venue de deux prédicateurs à ce rendez-vous, dont l'influent cheikh sunnite qatari Youssef Qaradaoui, proche de l'émir du Qatar.
Le président-candidat Nicolas Sarkozy a appelé personnellement l'émir du Qatar pour lui dire que le prédicateur dont il est proche, n'était "pas le bienvenu" en France. L'interdiction du territoire a, au total, été signifiée à six invités de l'UOIF, soupçonnés de tenir des propos antisémites, misogynes ou haineux.
Le 30 mars, Marine Le Pen renchérissait en demandant la dissolution de l'UOIF, qualifiant ses dirigeants de "proches des islamistes, sinon même des terroristes".
Imams expulsés
La pression s'est encore accentuée.
Près d'une trentaine d'islamistes radicaux présumés ont été arrêtés, en deux vagues, le 30 mars avec 17 membres ou sympathisants du groupuscule dissous Forsane Alizza, dont 13 ont été mis en examen et neuf écroués, et mercredi une dizaine d'autres.
En outre, trois imams et deux militants ont été expulsés ou visés par des procédures de reconduite dans leur pays.
Mardi, enfin, Nicolas Sarkozy a mis en garde l'UOIF contre les "porteurs d'appels à la violence, à la haine et à l'antisémitisme" qui pourraient s'exprimer lors du rassemblement ce week-end.
Le président de cette puissante fédération, Ahmed Jaballah, interrogé mercredi matin par l'AFP, a déclaré qu'il ne souhaitait pas réagir pour le moment. Il avait indiqué le veille que l'intellectuel Tariq Ramadan serait bien présent au Bourget, ce que la France regrette, mais sans pouvoir l'empêcher de venir, puisqu'il est détenteur d'un passeport suisse.
En tout état de cause, la mise en garde du président-candidat a fait voler en éclat l'entente scellée il y a une dizaine d'années avec l'UOIF, considérée comme proche des Frères Musulmans, et qui jusqu'en 2011 était l'une des principales composantes du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM).
M. Jaballah s'était défendu mardi, auprès de l'AFP, de toute pensée extrémiste, revendiquant une appartenance à l'école réformiste.
"On se trouve dans un lieu où les rigoristes nous voient comme des laxistes et où ceux qui veulent un islam dilué nous prennent pour des intégristes", a-t-il expliqué.
Sur le thème "Foi, Réforme, Espérance", la 29ème Rencontre annuelle des musulmans de France propose des conférences-débats, des expositions, des animations pédagogiques, des concours, une vente de produits divers et même un défilé de mode. Le rassemblement draine des visiteurs venant de toute l'Europe.