Une étude clinique nationale sur le phénomène controversé de la sensibilité aux champs électromagnétiques sème la zizanie entre des scientifiques sceptiques et des "électrosensibles" qui se sentent plus que jamais incompris et rejetés.
Maux de tête, picotements, troubles du sommeil: les symptômes de "l'hypersensibilité" aux champs électromagnétiques sont "divers", "transitoires" et "communs à de nombreuses autres maladies", souligne Dr Lynda Bensefa-Colas qui a participé à la mise au point de l'étude.
Ceux qui se déclarent "hypersensibles" citent souvent les antennes-relais, les portables, les téléphones sans fil ou le wifi comme causes directes de leurs maux, explique cette praticienne de l'hôpital Cochin à Paris.
"Notre objectif est d'étudier la survenue et l'évolution des symptômes et voir s'il y a corrélation entre symptômes et expositions aux champs électromagnétiques" avec un relevé pendant une semaine des ondes reçues par les sujets avec un appareil spécial, dit le Pr Dominique Choudat dont le service à Cochin pilote l'étude clinique.
Manuel fait partie des "électrosensibles" qui ne participeront pas à l'étude, pourtant la toute première en France et l'un des engagements forts pris par le gouvernement lors d'une conférence interministérielle sur le sujet en mai 2009.
"Je ne vois pas l'intérêt de participer à une étude commandée par le ministère de la Santé qui part du postulat que c'est un trouble psychologique", déclare à l'AFP cet ex-ingénieur en informatique de 32 ans.
Manuel a découvert son électrosensibilité en 2004: "j'avais l'oreille qui chauffait quand j'utilisais mon portable au point que je ne pouvais plus le mettre sur mon oreille."
Depuis il a "supprimé tout ce qui émet des ondes" dans sa maison du sud des Yvelines --portables, téléphones sans fil-- et a repeint les murs intérieurs d'une "peinture militaire au graphite qui bloque les ondes".
Le Collectif des électrosensibles de France dont Manuel est porte-parole "dénonce les orientations" de l'essai en premier lieu "l'absence d'examens physiologiques et d'exploration par imagerie".
Le coordinateur d'une autre association d'électrosensibles Next-up, Serge Sargentini appelle lui à "boycotter" l'enquête. Un "piège" pour les malades, affirme-t-il.
Le cancérologue Dominique Belpomme, dont les affirmations sur une influence prépondérante de la pollution sur des maladies lourdes hérissent dans le monde scientifique, fustige lui aussi une étude "scientifiquement inacceptable et moralement indigne".
"On part du postulat que ces malades sont des hypochondriaques et qu'on va les envoyer en psychiatrie", critique cet ex-praticien de grands hôpitaux parisiens, aujourd'hui dirigeant de l'association Artac (Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse).
Il affirme avoir mis au point, à l'Artac, un test (alliant échographie Doppler et analyses de sang, facturé 500 euros) pour reconnaître le "syndrome d'intolérance aux champs électromagnétiques" et "mettre en place un traitement" à base d'antihistaminiques, anti-inflammatoires, antioxydants et vitamines.
En trois ans, Pr Belpomme a vu 568 malades. Ses traitements produisent "dans 60 à 70% des cas une amélioration nette", affirme-t-il.
Mais pour le Pr Choudat, aucun lien formel n'a été étali entre champs magnétiques et symptômes. "A ce jour on n'a pas d'argument pour évoquer un mécanisme physiopathologique qui expliquerait la survenue des symptômes lors d'expositions aux champs électromagnétiques", insiste-t-il.
"Il y a des personnes qui réagissent quand ils voient une antenne de téléphonie mobile même lorsqu'elle est éteinte" souligne-t-il. Face à ce type de comportement "phobique", le clinicien préconise des psychothérapies de type comportamentale.