Le procès en appel de l'explosion de l'usine AZF s'achève jeudi à Toulouse sur les dernières plaidoiries de la défense, qui réclame la relaxe en l'absence de preuve de l'accident chimique imputé à l'industriel, au grand dam des victimes qui dénoncent ses négligences.
La cour d'appel devrait prendre plusieurs mois pour rendre son délibéré. La plupart des 2.500 parties civiles redoutent que le doute ne profite aux prévenus et ne les prive définitivement d'une explication pour la pire catastrophe industrielle en France depuis 1945.
Elles soutiennent la position des avocats généraux qui ont requis vendredi l'amende maximale de 225.000 euros contre le propriétaire de l'usine, Grande Paroisse (groupe Total), et 18 mois de prison avec sursis et 15.000 euros d'amende contre l'ex-directeur Serge Biechlin, poursuivis pour homicides involontaires.
L'accusation s'appuie sur un "faisceau d'indices" de "fautes caractérisées" d'organisation; la défense s'arc-boute, elle, sur le droit à la présomption d'innocence.
Plus de dix ans après l'explosion qui a fait 31 morts et des milliers de blessés à Toulouse le 21 septembre 2001, après 4 mois de procès en 2009 et un marathon de 4 mois et demi en appel, la recherche d'explication bute sur le manque de preuve de l'accident chimique et sur l'absence de toute autre piste solide d'accident ou d'attentat.
L'accusation et les experts judiciaires estiment que des négligences ont permis la rencontre de deux produits incompatibles, le DCCNa (chlore pour piscine) et le nitrate d'ammonium stocké dans le hangar 221 qui a explosé.
En première instance, bien que le tribunal ait relevé de nombreuses "défaillances organisationnelles" dans le fonctionnement de l'usine, et ait souligné la "forte probabilité" de la piste chimique, il a relaxé les prévenus, faute de preuve de la présence de DCCNa dans la benne - jamais retrouvée - déversée sur le nitrate du hangar 221 vingt minutes avant l'explosion.
Le tribunal disait ne pas disposer d'un "lien de causalité certain" et ne pouvoir se contenter d'un "faisceau d'indices".
Le procès d'appel n'a pas apporté de révélation spectaculaire malgré de longues batailles d'experts dans un climat tendu. La défense conduite par Me Daniel Soulez Larivière a plusieurs fois mis en cause l'impartialité de la cour et fait planer la menace d'un recours en cassation.
Le débat s'est déplacé lorsque les avocats généraux ont emboîté le pas aux parties civiles critiquant les scrupules juridiques du jugement de première instance.
L'un des avocats généraux, Pierre Bernard, a soutenu que le droit permettait de s'appuyer sur un faisceau d'indices et d'établir une "causalité par défaut". Il a aussi estimé que le nitrate stocké dans le hangar 221 dépassait le maximum autorisé créant "un lien absolument certain avec l'aggravation" du sinistre, ce qui "suffit à entraîner une condamnation".
Depuis mardi, la défense s'efforce de contrer ces arguments.
"La causalité par défaut est un concept hérétique, cela revient à dire à la défense: dites-nous ce qui s'est passé, si vous ne voulez pas être condamné" soulignait maître Simon Foreman mercredi, tout en estimant que la piste d'un acte volontaire avait été négligée par les enquêteurs. "La défense est autiste", répondait en marge de l'audience Jean-François Grelier, président de l'association des "Sinistrés du 21 septembre".
Selon lui, "quand un ouvrier tombe d'un échafaudage, la cause directe peut être un lacet défait, un évanouissement ou une bourrasque. Mais s'il n'y a pas le garde-corps ou le harnais obligatoire, le petit patron plonge, alors cela doit s'appliquer d'autant plus à Total, premier groupe industriel français". La cour examinera vendredi les dernières demandes d'indemnisation en audience civile, et mettra sa décision en délibéré, probablement jusqu'en septembre.