L'"hypersexualisation" des enfants est un phénomène encore peu répandu en France mais qui inquiète légitimement les parents et qu'il convient d'endiguer, souligne lundi un rapport proposant une série de recommandations, dénoncées comme un "leurre" par certains experts.
A l'origine de ce rapport: une mission confiée à la sénatrice UMP Chantal Jouanno par le ministère des Solidarités, après la parution en décembre 2010, dans le magazine Vogue français, de photos mettant en scène une fillette dans des tenues et postures suggestives.
"Même si ces photos avaient surtout fait scandale aux Etats-Unis, elles ont aussi suscité la polémique en France", rappelle à l'AFP Chantal Jouanno.
L'"hypersexualisation" des enfants, et notamment des petites filles, renvoie "à la sexualisation de leurs expressions, postures ou codes vestimentaires, jugées trop précoces", définit le rapport. Or l'ancienne ministre des Sports fait le constat que "la vague de l'hypersexualisation n'a pas encore massivement touché nos enfants". Il y a un consensus en France pour condamner le phénomène, poursuit-elle, tout en assurant qu'il est "fragile" et "susceptible de craquer".
En effet, relève Mme Jouanno, "la société dans son ensemble est hypersexualisée, dès le plus jeune âge on voit apparaître des stéréotypes très clivés garçons/filles, et il y a une puissance du marketing colossal pour rompre la barrière des âges et inciter à adopter des comportements d'adolescents". Il convient donc, souligne le rapport, d'endiguer le phénomène "en amont".
Le texte suggère pour cela une série de recommandations, comme la mise en place d'une "charte de l'enfant" ou l'interdiction des concours de "mini-miss" et recommande aussi de s'inspirer d'un dispositif mis en place au Royaume-Uni consistant à élaborer une charte signée entre les pouvoirs publics et les acteurs économiques. En Grande-Bretagne, le document demande par exemple aux grandes marques de prêt-à-porter de renoncer aux soutien-gorges ampliformes pour les petites filles. Chaque citoyen peut en outre signaler sur un site internet les produits qu'ils jugent inappropriés.
Mais pour certains connaisseurs de la question, le débat est mal posé.
"En parlant d'+hypersexualisation+, on diabolise des comportements de jeunes filles, qui n'ont pas du tout la dimension torride que laisse penser le terme", estime ainsi Michel Fize, sociologue au CNRS et auteur de "Les nouvelles adolescentes" (Armand Colin). Il lui oppose celui d'+hyperféminisation+, qui correspond à une revendication des filles de leur identité sexuée". Il admet en revanche une tentative mercantile, de la société, de "tout sexualiser pour vendre plus". "On a raison d'essayer d'y répondre mais il ne faut pas tout mélanger", juge-t-il.
De son côté, la psychanalyste Claude Halmos, spécialiste de l'enfance, reconnaît les dangers potentiels du phénomène: "L'hypersexualisation des petites filles, c'est-à-dire le fait de les laisser se déguiser en femmes adultes, est très préjudiciable pour leur construction. Si elles sont déjà grandes, quels besoins ont-elles de grandir ?", lance-t-elle. "Ce qui est complètement paradoxal, c'est que le gouvernement veut faire des préconisations pour que les petites filles ne s'habillent plus comme des grandes, mais en même temps, il supprime le défenseur des enfants et veut rapprocher la justice des mineurs et celle des majeurs", ajoute-t-elle.
"Il fait mine là de se saisir d'un sujet qui angoisse à juste titre les parents, mais c'est un leurre", juge ainsi la psychanalyste.