Les syndicats entament vendredi des discussions ardues avec le patronat sur la question des accords "compétitivité-emploi" que le gouvernement entend faciliter pour permettre aux entreprises d'ajuster le temps de travail et les salaires à la conjoncture.
Cette négociation, qui a peu de chance d'aboutir avant les élections, promet d'être autrement plus conflictuelle que celle sur le chômage partiel.
Le gouvernement et le patronat proposent en effet de déroger à la durée légale de travail, à la hausse comme à la baisse, en échange de la promesse d'un maintien des emplois, sans l'accord express du salarié. Un simple accord ou vote collectif suffirait.
La majorité parlementaire a jeté de l'huile sur le feu en votant, après l'annonce des négociations, un texte de loi permettant de "moduler" le temps de travail sans accord individuel du salarié. La modulation ne modifiant pas la durée globale du travail et les salaires, ce vote "ne crée pas d'interférence", a écrit le ministre du Travail Xavier Bertrand pour tenter d'apaiser la colère des syndicats.
La CGT a dénoncé un "coup de force". Les négociations seront "dures", a prévenu Jean-Claude Mailly, le leader de Force ouvrière, opposé comme la CGT au principe même de ces accords.
Sourde à cet avertissement, la patronne du Medef Laurence Parisot s'est dite mardi "optimiste" dans la capacité des partenaires sociaux à "trouver des compromis".
Le patronat mise sur les dissensions syndicales. CFDT, CFTC et CFE-CGC semblant prêts à discuter sur le fond s'ils peuvent poser des garde-fous.
Pour Force ouvrière, ces accords sont des "chantages à l'emploi", sans garantie pour les salariés. Et le syndicat de rappeler l'expérience du site Continental à Clairoix (Oise), fermé en 2010 malgré un accord fin 2007. Xavier Bertrand brandit en retour l'exemple de Poclain Hydraulics, dans le même département. Un accord en 2009 a permis à l'entreprise de survivre en réduisant pendant un an salaires et temps de travail.
"On peut concevoir un effort temporaire", concède Joseph Thouvenel (CFTC), "à la condition de sécuriser les accords", notamment avec des "sanctions" pour les entreprises. Mais autoriser la flexibilité en phase de croissance "serait un glissement vers le grand n'importe quoi", estime-t-il.
La CFE-CGC entend elle aussi demander "des contreparties fortes". Quant à la CFDT, elle se dit "prête à s'engager" si le débat est élargi aux questions de "gouvernance d'entreprise, de partage des richesses et d'investissement en recherche et développement".
En Allemagne, ce type d'accords s'appuie sur des pratiques de cogestion, qui associent les salariés. "Si on veut importer le modèle allemand, il faut le prendre en totalité", lance avec provocation le négociateur de FO Stéphane Lardy pour qui "les employeurs dans ce pays ne sont pas prêts".
Dans les petites entreprises, c'est possible, estime Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME, le syndicat patronal des TPE-PME, soulignant que "le patron parle beaucoup avec ses salariés qui voient tout de suite s'il y a des commandes ou pas". Elle souhaite des accords autorisés après "référendum" dans l'entreprise.
Le gouvernement a laissé deux mois seulement aux partenaires sociaux pour aboutir et s'est engagé à ne pas légiférer sur le sujet entre-temps.
Un éventuel projet de loi déposé par le gouvernement en cas d'impasse n'aurait cependant aucune chance d'être voté lors de ce quinquennat. Les syndicats ont bien compris leur intérêt à faire durer les négociations.