On a souvent coutume de dire que Didier Deschamps est né les pieds dans le bénitier. Ses fans préfèrent dire que la gagne est en lui. Mais au fond, ça veut un peu dire la même chose.
Cette inébranlable confiance, cette réussite qu’il a si souvent su provoquer tout au long de sa carrière aussi bien comme joueur qu’entraîneur. Mais là, lors de sa conférence de presse mercredi après-midi à Clairefontaine, on a senti «DD» contrarié, agacé et, pour tout dire, inquiet. Il y a un peu de quoi. Mais c’est aussi un peu de sa faute.
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Depuis des semaines, les nuages s’accumulent dans le ciel bleu. On a eu cette affaire de la fameuse sextape avec Karim Benzema et Mathieu Valbuena, puis Mamadou Sakho suspendu pour suspicion de dopage. Il y a eu également Kurt Zouma, qui s’est gravement blessé, tout comme Aymeric Laporte. Il y a même Jérémy Mathieu, qui est arrêté pour une bonne semaine en raison d’une douleur au mollet, alors qu’il revient tout juste de deux mois de blessure. Et, depuis quelques jours, la déchirure à la cuisse de Raphaël Varane, qui l’a inéluctablement conduit à un forfait pour l’Euro. Cela fait évidemment beaucoup de contrariétés dans une zone aussi précise de jeu.
Le problème, c’est que Didier Deschamps a été un peu léger dans la liste des 23 et ses réservistes, puisqu’à la suite de la blessure du défenseur du Real Madrid, on s’est aperçu que le reste de la composition des arrières centraux était bancale. On retrouvait, en effet, Laurent Koscielny, droitier mais aligné en club dans l’axe gauche, Eliaquim Mangala et Jérémy Mathieu, tous deux gauchers, et, parmi les réservistes, Samuel Umtiti, qui est gaucher lui aussi.
Du coup, on retrouve Adil Rami, plus appelé chez les Bleus depuis trois ans, directement dans la liste définitive. Entendons-nous bien, l’ancien Lillois a fait une saison remarquable avec le FC Séville, remportant la Ligue Europa contre Liverpool, avant de perdre de justesse, dimanche dernier, contre le FC Barcelone en finale de la Coupe du Roi. Ignoré régulièrement par Deschamps, Rami s’était même laissé aller à des déclarations un rien grinçantes contre le sélectionneur tricolore. Mais il est quand même là.
L’élan national se fait attendre
Mais, pour le coup, la méthode de Didier Deschamps a choqué. Pourquoi prendre huit réservistes pour aller chercher un neuvième joueur ? N’était-il pas plus simple d’intégrer Rami à cette liste ? Il y aurait eu zéro polémique. Au-delà de ce souci, on a senti Didier Deschamps sur la défensive, notamment avec une sortie agressive contre Bruno Génésio, l’entraîneur de l’Olympique Lyonnais, coupable aux yeux de «DD» d’avoir défendu ses joueurs, ou plutôt critiqué l’absence de ses joueurs dans les choix du sélectionneur. D’ordinaire, Didier Deschamps botte en touche, soit par une boutade, soit en pratiquant la langue de bois renforcée dont il a le secret. Là, il a mordu, ce qui ne lui ressemble vraiment pas, d’autant que Bruno Génésio était dans son rôle et n’a pas dépassé les limites. Tout cela laisse une impression bizarre et pas franchement rassurante. L’Euro approche à grand pas et on entend beaucoup plus parler de sécurité que de football ou des Bleus.
On a beaucoup parlé de défiance de l’opinion publique, éternelles conséquences de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud et de Knysna. J’ai plutôt le sentiment que l’on est proche du désintérêt. L’affaire de la sextape, interminable, a fait beaucoup de mal. L’absence d’Hatem Ben Arfa a déplu aux amoureux du beau geste. On avance vers cet Euro sans joie. Et ce n’est pas rigolo. Maintenant, n’oublions pas que les Bleus ont un premier tour sans réel danger. C’est donc à eux de transformer cette forme d’indifférence en élan national. On a déjà connu ça. En 1998, et on sait tous comment cela s’est terminé. Et franchement, on ne souhaite rien d’autre.