Offensif face à l'énorme pression internationale, Joseph Blatter a appelé vendredi les membres de la Fifa à "serrer les rangs pour aller de l'avant" à quelques heures du scrutin où il briguera un 5e mandat à la tête de l'instance secouée par un scandale planétaire de corruption.
Blatter, 79 ans, attaqué de toutes parts et notamment par le président de l'UEFA Michel Platini qui lui a personnellement demandé jeudi de démissionner, a pour adversaire le prince jordanien Ali bin Al Hussein, 39 ans, un de ses vice-présidents, qui se présente comme l'homme du changement.
Dans son discours d'ouverture du congrès électif vendredi matin, le Suisse a appelé à "l'esprit d'équipe" pour "attaquer les problèmes": "Les évènements de cette semaine ont jeté une ombre. Essayons d'enlever cette ombre, on ne peut pas admettre que la réputation de la Fifa soit traînée dans la boue", avant de conclure: "Serrons les rangs pour aller de l'avant".
Blatter maintient son cap
D'où vient cette tempête selon lui? "Si le 2 décembre 2010, deux autres pays avaient été désignés organisateurs des Coupes du monde 2018 (Russie) et 2022 (Qatar), je pense qu'on n'en serait pas là aujourd'hui", a lâché "Sepp", sous-entendant que ces nominations ont provoqué la colère de l'Angleterre, candidate déçue de 2018, et des Etats-Unis, frustrés de ne pas avoir été retenus pour 2022, et dont la ministre de la Justice Loretta Lynch s'est placée en pointe dans l'offensive anti-corruption.
Le Qatar de son côté a assuré vendredi avoir respecté les "plus hauts standards éthiques" pour obtenir l'organisation du Mondial-2022, dans sa première déclaration officielle depuis mercredi. Ce jour-là, une bombe atomique médiatique avait explosé, avec les deux procédures judiciaires distinctes diligentées par les justices américaine et suisse, pour corruption présumée à grande échelle, et arrestations à Zurich de sept élus de la Fifa, inculpations en rafales et perquisitions de son siège.
M. Blatter, entré à la Fifa en 1975 et président depuis 1998, se présente comme la victime de la corruption et se pose en meilleur rempart. Il a déjà surmonté de graves crises en 2002 et 2011, qui ne l'ont pas empêché d'être réélu à chaque fois, et a encore usé vendredi de sa célèbre métaphore marine en appelant les 209 fédérations composant la Fifa à lui laisser la barre pour que "le bateau ne tangue plus, et avance tranquillement".
Il navigue en tout cas dans un océan de dollars: la Fifa a enregistré un bénéfice de 338 millions USD (308 M d'euros) sur la période 2011/2014 pour un chiffre d'affaires de 5,7 milliards de dollars (5,2 milliards EUR), grâce en grande partie aux revenus du Mondial-2014 au Brésil. Ses réserves s'élèvent à 1,5 milliard de dollars (1,36 md euros).
Image en lambeaux
La Fifa, déjà tourmentée par le feuilleton du Qatar, n'avait pas besoin de ce nouveau décor de film policier. Sur les réseaux sociaux, les hashtags #BlatterOut ("BlatterDehors") ou #FifaMafia pullulent, relayant une presse internationale déchaînée.
Des dirigeants politiques sont également entrés dans la ronde. "A mon avis, il devrait partir, a lancé vendredi le Premier ministre britannique David Cameron. Vous ne pouvez pas avoir des accusations de corruption à ce niveau et à cette échelle dans cette organisation et prétendre que la personne qui la conduit en ce moment est la bonne personne pour la faire avancer".
Jeudi, François Hollande avait insisté sur la nécessité pour les organisations sportives d'être "incontestables". Plusieurs entreprises multinationales, dont Nike, Visa, Adidas, Coca-Cola ou Hyundai, ont exprimé leurs préoccupations. Le compte à rebours est lancé. La Fifa connaîtra son président pour 2015-2019 entre 16h30 et 19h30.