Pierre Ménès est une figure du paysage footballistique français. Ancien reporter à L’Equipe, cette intarissable grande gueule officie aujourd’hui en qualité d’expert pour le Canal football club. Tout au long de la Coupe du Monde au Brésil, il tient ses chroniques dans les colonnes de Direct Matin.
Depuis quelques jours, et surtout depuis cette invraisemblable demi-finale contre le Brésil (7-1), il y a quelque chose qui m’agace prodigieusement : c’est d’entendre parler de l’implacable rigueur allemande.
Ben oui ! vous comprenez, c’est tellement commode : l’Allemand est puissant et rigoureux. Il faut arrêter avec cette image d’Epinal éculée et surtout fausse. Parce que l’Allemagne de Joachim Löw, c’est bien autre chose que de la rigueur.
Depuis qu’il a pris en charge la sélection germanique, on a souvent loué la qualité et la finesse du jeu allemand pour aussi regretter la disparition de son froid et implacable réalisme. Mais Löw n’a pas dérogé à sa façon de jouer et d’aimer le football. Sans tomber dans l’exagération, ce jeu est basé sur la possession de balle dans un milieu de terrain très fourni, où les joueurs respectent souvent des distances relativement courtes entre eux.
L’Allemagne est fatigante à suivre pour ses adversaires et le moindre relâchement peut coûter très cher : genre quatre buts en six minutes, comme la Seleçao en a fait l’expérience il n’y a pas si longtemps. Le collectif est évidemment le point fort de cette équipe. Mais il serait injuste de dire qu’il n’y pas d’individualités.
Neuer, Lahm, Müller…
Ça commence avec Manuel Neuer, qui n’est autre que le meilleur gardien du monde, ce qui veut tout dire vu le niveau des portiers durant l’ensemble de la compétition. Philipp Lahm est aussi le meilleur joueur à son poste. Le seul, le vrai, celui de latéral. Thomas Müller est extraordinaire et reste un vrai symbole de cette équipe étonnante. On ne sait pas vraiment à quel poste il évolue. Et au fond, peu importe, puisqu’il est bon partout.
De toute évidence, l’Allemagne est la grande favorite de cette finale, dimanche à Rio de Janeiro. A condition que le jeu l’emporte. Ce qui n’est hélas pas toujours le cas, et on a pu notamment s’en apercevoir avec les Argentins.
L’énigme argentine
Car si l’Allemagne mérite beaucoup de louanges, l’Argentine, elle, beaucoup moins, pour ne pas dire pas. Pour être tout à fait franc, retrouver cette équipe en finale de la Coupe du monde tient un peu du miracle, tant le niveau de jeu affiché a souvent été d’une rare pauvreté. Les éclairs de Lionel Messi dans les matchs de poules ont fait la différence. La folle activité d’Angel Di Maria et l’efficacité, hélas ponctuelle, de Gonzalo Higuain ont permis à l’Argentine d’arriver en demi-finale et de l’emporter à la loterie, enfin aux tirs au but, contre les Pays-Bas, à l’issue d’un match d’un ennui abyssal (0-0, 4 tab 2).
Avec vingt-quatre heures de récupération en moins et une prolongation en plus, comment les Argentins peuvent-ils espérer résister à cette Allemagne, qui a explosé le Brésil dans tous les sens ? Premier point, l’Argentine n’ira pas se suicider en partant à l’attaque sans couverture, comme ces pauvres Brésiliens désemparés. Parce que l’air de rien, l’Albiceleste défend beaucoup plus, très bien articulé autour d’un Javier Mascherano rayonnant au poste de sentinelle. A défaut d’être brillant, le système défensif argentin est compact et ne laisse guère d’espace.
Evidemment, côté animation du jeu, c’est beaucoup moins bien, surtout depuis que Di Maria s’est blessé à la cuisse. Lionel Messi est dramatiquement seul à la création. Et par définition, si Messi est à la création, il n’est pas à la finition. Pour rien n’arranger la «Pulga» n’est pas au top physiquement et, chez lui, ça se voit tout de suite. Mais Messi reste Messi. Un éclair de génie peut surgir à tout moment. Cela dit, on a du mal à imaginer cette Argentine résister à l’Allemagne. Mais bon, depuis le début de cette Coupe du monde, il y a un tel écart entre les prestations d’un match à l’autre (l’Allemagne contre l’Algérie, voire les Bleus, avait-elle quelque chose à voir avec celle de la demi-finale ?) qu’une énième surprise est envisageable. Eventuellement.
Au revoir et à la rentrée
Voilà, Direct Matin prend ses congés, et du coup moi aussi. Je profite de ces quelques lignes pour vous remercier de votre fidélité et de vos nombreux encouragements (si, si, ça existe encore). On se retrouve frais et bronzé à la fin du mois d’août. En attendant, prenons du plaisir avec cette finale. Et à très vite pour une nouvelle saison riche en foot !