Quelques 173 crimes pour lesquels la justice est saisie n’ont jamais été élucidés en France, d’après le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti. Mais, avec les progrès de la science et l’ouverture d’un pôle national dédié, certains dossiers de «cold cases» sont réouverts.
Si 173 crimes pour lesquels la justice est saisie n’ont jamais été élucidés en France d’après le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, des centaines d’autres dossiers attendent toujours d’être étudiés par le pôle national dédié aux «cold cases», crée en mars 2022.
Voici dix affaires judiciaires qui n’ont jamais été élucidées malgré un certain engouement médiatique.
Affaire Dupont de Ligonnès
Xavier Dupont de Ligonnès est-il mort ou vivant ? Plus de dix ans après la découverte des corps de sa femme et de ses quatre enfants enterrés sous la terrasse de leur maison, le mystère reste entier autour de la «tuerie de Nantes», considérée comme l'une des plus grandes énigmes criminelles de ces dernières années.
En avril 2011, un couple et leurs enfants âgés de 13 à 21 ans n’avaient plus donné de signes de vie depuis plusieurs jours lorsque le parquet ouvrait une enquête pour disparition inquiétante. Les enquêteurs avaient trouvé par la suite, enroulés dans des draps et recouverts de chaux, les corps de Benoît, Anne, Thomas, Arthur et Agnès, abattus avec chacun au moins deux balles tirées en pleine tête.
Xavier Dupont de Ligonnès, suspecté d’être l’auteur de cette tuerie, puisque ne faisant pas partie des victimes, a complètement disparu depuis. Il a été vu pour la dernière fois le 15 avril 2011, s'éloignant du Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens à pied avec un sac sur le dos.
Affaire Gregory Villemin
Le corps de Grégory Villemin, 4 ans, avait été découvert dans la Vologne (Vosges), pieds et mains liés, le 16 octobre 1984. Sur fond de jalousies familiales illustrées par les messages anonymes d'un mystérieux «corbeau», les enquêteurs s’étaient orientés à l’époque vers Bernard Laroche, un cousin du père.
Inculpé d'assassinat et écroué, ce dernier avait été remis en liberté mais tué par le père, Jean-Marie Villemin. Puis la mère, Christine Villemin, a été poursuivie à son tour avant d'être innocentée. Depuis quelques années, la justice, qui soupçonne un acte «collectif», s'intéresse désormais à un grand-oncle et une grand-tante de Grégory, ainsi qu'à Murielle Bolle, belle-sœur de Bernard Laroche. De nouvelles expertises ADN ont récemment été autorisées.
Affaire Estelle Mouzin
Le 9 janvier 2003, Estelle Mouzin, 9 ans, disparaissait à Guermantes (Seine-et-Marne), en rentrant de l'école. Son portrait avait été placardé dans toute la France et le secteur ratissé. Il avait fallu attendre trois années de plus, pour que l’affaire, après plusieurs fausses pistes, ne soit rattachée à celle de Michel Fourniret, célèbre tueur en série.
Début mars 2020, malgré une expertise ADN infructueuse, Michel Fourniret avouait être responsable de la mort de la fillette, avant de se rétracter. C’est sa compagne et complice, Monique Olivier qui reconnaitra la culpabilité du couple dans le meurtre d’Estelle Mouzin en 2021. Quelques dix campagnes de fouilles ont depuis été menées dans les Ardennes, sans jamais retrouver le corps de la fillette.
Affaire Delphine Jubillar
Depuis le 18 juin 2021, Cédric Jubillar est mis en examen pour le meurtre de sa femme, Delphine, une infirmière de Cagnac-les-Mines disparue dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 du domicile conjugal.
Si le coupable semble évident étant donné un faisceau d’indices concordants dans l’affaire, le corps de sa compagne n’a jamais été retrouvé, et il n’a jamais avoué une quelconque responsabilité dans sa disparition. Le mystère reste donc entier.
Affaire de la tuerie de Chevaline
Le 5 septembre 2012, un Britannique d'origine irakienne de 50 ans, Saad al-Hilli, sa femme et sa belle-mère avaient été retrouvés morts, avec plusieurs balles dans la tête, dans leur voiture sur une route de campagne près de Chevaline, non loin du lac d'Annecy. Une fillette du couple avait été grièvement blessée, tandis que sa petite sœur avait été retrouvée indemne, recroquevillée sous les jambes de sa mère. Un cycliste de la région, probable victime collatérale, avait également été abattu.
Le frère aîné de Saad al-Hilli, qui était en conflit avec lui concernant l'héritage paternel, avait été placé en garde à vue le 24 juin 2013 au Royaume-Uni, puis sous contrôle judiciaire jusqu'en janvier 2014. Au sein de la famille al-Hilli, certains pensent qu'il pourrait s'agir d'un meurtre lié à l'espionnage industriel (Saad était ingénieur spécialisé dans les satellites). La piste d'un motard aperçu près des lieux du crime a depuis été écartée.
Affaire Malik Boutvillain
Le 6 mai 2012, Malik Boutvillain 32 ans, partait en t-shirt, short et baskets pour son jogging matinal, à Echirolles (Isère). Parti sans ses papiers d’identité, il ne reviendra jamais. Étant majeur, une enquête avait tardé à être ouverte sans que des recherches ne soient faites pour le retrouver.
Qualifiée d’enquête bâclée par la mère et la sœur du disparu, il a fallu attendre 2017 pour que l’affaire soit véritablement étudiée, année durant laquelle le nom de Nordahl Lelandais émerge en Isère, meurtrier présumée d’une fillette. La piste criminelle est désormais privilégiée, mais sans corps ni indice et avec un non-lieu pour l’affaire, le dossier n’a jamais été élucidé.
Affaire Stéphane Kameugne
Les faits remontent au 24 décembre 2008, lorsque le corps d’un étudiant camerounais était repêché dans un canal de Châlons-en-Champagne à Reims. Stéphane Kameugne, âgé de 24 ans avait disparu le 7 décembre, après une soirée de gala de l'École nationale supérieure des arts et métiers (ENSAM) où il fêtait son diplôme avec ses camarades de promotion.
La thèse de l'accident avait d'abord été privilégiée, avant qu'une expertise établisse qu'un traumatisme thoracique révélé par l'autopsie était compatible avec une percussion par un véhicule. Début 2009, le juge d'instruction avait requalifié l'affaire en «homicide involontaire». Le père de la victime, Samuel Kameugne, continu de se battre pour que lumière soit faite sur cette affaire, souhaitant notamment que le dossier soit transféré au tribunal de Nanterre, pour le pôle «cold cases».
Affaire Ramatuelle
Mi-juin et début août 2005, trois frères et sœur âgés de 16 à 20 ans disparaissaient à Ramatuelle dans le Var. Leur père, Dominique Thirard, 43 ans, ancien boucher en invalidité à la suite d'un accident du travail et souffrant d'une grave maladie, se suicidait fin septembre à Woincourt (Somme).
Dans une lettre à sa femme qui avait quitté le domicile conjugal, il lui avait écrit qu'elle ne reverrait «plus les enfants» qui «sont partis très loin». Plus de trois ans après la disparition, le procureur de la République de Draguignan décidait en septembre 2008 le «classement sans suite du dossier». La fratrie n'ayant jamais été retrouvée et le père suspecté étant en invalidité, l'affaire n'a jamais pu être élucidée.
Affaire Silja Trindler
Le 5 août 2000, un touriste découvrait le corps sans vie d’une jeune femme dans les dunes de Carcans-Plages en Gironde. La victime, Silja Trindler est de nationalité suisse et était âgée de 18 ans, retrouvée grossièrement enterrée dans le sable.
Venue passer les vacances d’été avec sa famille dans un camping à proximité, la jeune femme a été étranglée. Alors que les enquêteurs étaient parvenus à récupérer de l’ADN sous ses ongles, malgré plus de 2.500 tests, le tueur n’a jamais été identifié.
Affaire Godard
Le docteur Yves Godard, 44 ans, médecin acupuncteur à Caen (Calvados), sa femme Marie-France et ses deux enfants de 4 et 6 ans quittaient le 1er septembre 1999 le port de Saint-Malo pour une croisière, pour ne jamais réapparaître. D'importantes traces de sang de l'épouse avaient été retrouvées au domicile familial de Tilly-sur-Seulles (Calvados).
Tandis qu'Yves Godard était recherché pour homicide volontaire, sa présence avec ses enfants avait été signalée sur l'île de Man, aux Hébrides et jusqu'en Afrique du sud. Mais un morceau du crâne de sa fille et des ossements du médecin sont retrouvés au large de la Bretagne en 2000 et 2006.
La justice a prononcé un non-lieu en septembre 2012. Dispute conjugale qui tourne au coup de folie, suicide déguisé pour échapper à des soucis financiers, assassinat sur fond de paradis fiscaux... Les hypothèses restent ouvertes.