Remontant à 2017, l'«affaire Sarah», dans laquelle un homme était accusé d'avoir violé une fille de 11 ans qu'il avait estimé «consentante», revient devant la justice. L'affaire avait, à l'époque, lancé le débat sur le seuil de non-consentement des mineurs. Un nouveau procès s'ouvre ce mercredi.
A seulement 11 ans, celle que l'on nomme fictivement Sarah avait été considérée consentante par le parquet, en 2018. Consentante dans le cadre des rapports sexuels qu'elle avait eu avec un homme âgé alors de 28 ans, qui l'avait emmenée chez lui à Montmagny, dans le Val-d'Oise. L'affaire, qui avait fait scandale, revient devant la justice à partir de ce mercredi, au tribunal judiciaire de Pontoise.
En 2018, l'accusé avait été poursuivi pour atteinte sexuelle. Ce chef d'accusation traduisait alors une situation où une personne majeure a une relation sexuelle avec un mineur de moins de 15 ans sans user de violence, de menace, de contrainte ou de surprise. La peine encourue est de cinq ans, alors qu'elle peut atteindre vingt ans dans le cas d'un viol.
A l'origine, les parents de la jeune Sarah avaient justement porté plainte pour viol. Mais la décision aberrante de considérer une fillette de 11 ans comme consentante avait conduit à la requalification des faits en atteinte sexuelle.
Face à la vague d'indignation suscitée, le tribunal correctionnel avait finalement demandé au parquet d'étoffer l'enquête, ajournant le procès. La poursuite des investigations pendant plus de trois ans a amené les magistrats à retenir la contrainte morale et la surprise, justifiant le renvoi de l'accusé pour viol devant la cour criminelle du Val d'Oise.
Entre-temps, le cadre légal a évolué. La loi Billon, qui date d'avril 2021, a établi un seuil d'âge de consentement à 15 ans. Cela signifie qu'en dessous de cet âge, l'agression sexuelle ou le viol peuvent être constatés et punis, sans avoir à démontrer l'usage de violence, de contrainte, de menace ou de surprise. Cette loi établit simplement qu'un enfant de moins de 15 ans ne peut être considéré comme consentant.
L'affaire Sarah a d'ailleurs joué un rôle décisif dans cette avancée. A l'époque les parties civiles, parmi lesquelles la famille de la fillette mais aussi les associations Agir contre la prostitution des enfants et L'Enfant bleu, avaient plaidé pour une loi en ce sens. Elles s'étaient notamment appuyées sur les seuils pratiqués dans d'autres pays : à 12 ans en Espagne et aux Etats-Unis, 14 en Allemagne, 16 en Angleterre.
vingt ans de réclusion encourus
La loi pénale n'étant pas rétroactive, le procès qui s'ouvre aujourd'hui sera toutefois mené selon les textes en vigueur au moment des faits, c'est-à-dire au mois d'avril 2017. Il faudra donc prouver qu'il y a eu violence, menace, contrainte ou surprise pour caractériser le viol. La cour pourrait juridiquement estimer que Sarah était consentante et que le viol n'est pas caractérisé.
Collégienne à l'époque, Sarah, 11 ans, avait été abordée à plusieurs reprises par l'accusé, alors père d'un enfant de 9 ans. Ce 24 avril, il l'avait finalement invitée à le suivre dans son immeuble, lui demandant de lui faire une fellation dans la cage d'escalier, avant d'avoir un rapport sexuel avec elle à son domicile.
L'accusé avait ordonné à Sarah de ne parler à personne de cet épisode mais la fillette avait immédiatement appelé sa mère, disant avoir été violée. Pour se défendre, l'homme avait alors déclaré que l'enfant était consentante et qu'il ignorait son âge.
Sarah avait démenti ce point, assurant qu'elle avait mentionné son âge dès leur première rencontre et avait même montré son carnet scolaire pour le prouver. La fillette avait expliqué ne pas s'être enfuie et ne pas avoir exprimé son refus des relations sexuelles par peur.
Pour cette nouvelle audience devant la cour criminelle, cette fois-ci pour viol, l'accusé encourt vingt ans de réclusion criminelle. L'avocate de Sarah et de sa famille, Carine Durrieu-Diebolt, a précisé que le huis-clos total serait demandé jusqu'au verdict, prévu vendredi.