Sous la pression de la surconsommation et du changement climatique, les pénuries d’eau «tendent à se généraliser», faisant peser un «risque imminent» d’une crise mondiale de l’eau, met en garde un rapport de l’ONU publié ce mardi 21 mars.
Un rapport qui fait froid dans le dos. Quelque deux milliards de personnes sont privées d’accès à l’eau potable et 3,6 milliards n’ont pas accès à des services d’assainissement gérés de façon sûre, souligne le rapport de l’ONU-Eau et de l’Unesco, alors que vient de s'ouvrir une rare conférence de l’ONU sur l’eau à New York (Etats-Unis).
La moitié de la population mondiale concernée par les pénuries
L’utilisation de l’eau a augmenté environ de 1% par an dans le monde ces quarante dernières années. Pour répondre à cette soif, les humains se tournent vers les nappes phréatiques avec des extractions parfois excessives : entre 100 et 200 km3 des réserves d’eau souterraine sont épuisés chaque année. Environ 10% de la population mondiale vit dans un pays où le stress hydrique (rapport entre l’utilisation de l’eau et sa disponibilité) atteint un niveau élevé ou critique, limitant «considérablement» la disponibilité de l’eau pour les besoins des personnes.
Et selon le rapport des experts climat de l’ONU (Giec) publié lundi, «environ la moitié de la population mondiale» subit de «graves» pénuries d’eau pendant au moins une partie de l’année. Selon la Banque mondiale, ces pénuries d’eau, renforcées par le changement climatique, pourraient coûter dans certaines régions jusqu’à 6% du PIB d’ici à 2050 en raison des impacts sur l’agriculture, la santé, les revenus, et potentiellement des migrations forcées voire des conflits.
L’Inde, pays le plus gravement touché
L’agriculture utilise plus de 70% des ressources mondiales en eau, mais avec la demande des villes qui devrait augmenter «de 80 % d’ici à 2050, l’approvisionnement en eau des centres urbains à partir des zones rurales est devenu une stratégie courante» pour répondre à ces nouveaux besoins, note l’ONU.
Mais ça ne devrait pas être suffisant. Le nombre d’habitants des zones urbaines menacés par les pénuries d’eau devrait passer de 933 millions en 2016 à entre 1,7 et 2,4 milliards en 2050, selon l’ONU-Eau, qui note que l’Inde devrait être le pays le plus gravement touché.
Avec le réchauffement de la planète, l’humidité dans l’atmosphère augmente environ de 7% par degré supplémentaire, entraînant davantage de précipitations, plus intenses et moins régulières. Entre 2000 et 2019, les inondations auraient provoqué 650 milliards de dollars de dégâts et causé plus de 100.000 morts, selon le rapport.
Le réchauffement climatique multiplie aussi les sécheresses qui, sur la même période, ont concerné 1,43 million de personnes et causé 130 milliards de dollars de dommages. Ensemble, sécheresses et inondations comptent pour plus de 75% des catastrophes naturelles subies par l’humanité.
En 2020, plus de 40 % des eaux usées domestiques pas traitées de façon sûre
En 2020, 2 milliards de personnes (26% de la population) étaient toujours privées d’une eau potable sûre et 3,6 milliards (46% de la population) n’avaient pas accès à des services d’assainissement gérés de façon sûre, dont 494 millions n’avaient d’autre choix que de faire leurs besoins en plein air. Toujours en 2020, plus de 40% des eaux usées domestiques n’étaient pas traitées de façon sûre avant d’être rejetées dans l’environnement.
En outre, 2,3 milliards de personnes (29% de la population mondiale) ne bénéficiaient pas de services d’hygiène de base, dont 670 millions sans aucune installation pour le lavage des mains. Et au moins deux milliards de personnes boivent de l’eau contaminée par des excréments.
Des conditions propices à la propagation du choléra, de la dysenterie, ou de la polio. En 2019, 1,4 million de morts auraient été causées par l’absence de services d’hygiène et d’assainissement adéquats. Mais les risques viennent aussi de polluants émergents comme les produits pharmaceutiques et chimiques, pesticides ou nanomatériaux.
Multiplier par trois les niveaux d’investissement actuels
Les estimations sont difficiles, mais une étude citée par le rapport évalue à plus 1.000 milliards de dollars par an les investissements nécessaires pour atteindre d’ici à 2030 le sixième «Objectif de développement durable» de l’ONU, sur l’eau et l’assainissement pour tous. Pour garantir notamment un accès universel et équitable à un approvisionnement en eau potable d’ici à 2030, il faudrait multiplier par trois les niveaux d’investissement actuels.