La COP27 sur le climat a à peine fermé ses portes à Charm el-Cheikh, que c'est au tour de la COP15 sur la biodiversité de prendre le relais. Retardé de deux ans en raison du Covid-19, ce rendez-vous international consacré à la préservation de la nature s'ouvre aujourd'hui à Montréal (Canada). Voici tout ce qu'il faut savoir.
Les Etats du monde au chevet du vivant. Initialement prévue à Kunming en Chine en octobre 2020, et repoussée pas moins de quatre fois avec la pandémie, la COP15 de la biodiversité s'ouvre enfin ce mercredi 7 décembre à Montréal, au Canada. Après plus de trois ans de négociations, les représentants du monde entier dresseront la feuille de route de ces dix prochaines années pour stopper le déclin des écosystèmes et des espèces.
«Notre planète est en crise», a déclaré récemment en conférence de presse la secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique, l'avocate tanzanienne Elizabeth Maruma Mrema. Ajoutant que «de toute évidence, le monde réclame un changement».
l'espoir d'une cOP à l'image la COP21 pour le climat ?
Car oui, le temps presse. Les derniers rapports de l'IPBES (l'équivalent du GIEC pour le Climat, ndlr) ont montré que 70 % des écosystèmes mondiaux étaient dégradés, et ce largement à cause de l'activité humaine. A ce tableau déjà sombre s'ajoute le fait que plus d'un million d'espèces sont aujourd'hui menacées de disparition. Une situation qualifiée même par certains scientifiques de «sixième extinction de masse».
C'est pour cette raison que les enjeux derrière cette nouvelle conférence de la Convention pour la diversité biologique (CDB) sont majeurs, à tel point que des experts considèrent ce rendez-vous comme celui de la dernière chance pour endiguer la perte de biodiversité. D'ailleurs, plusieurs participants espèrent que cette COP15 sera aussi ambitieuse que celle qu'a été la COP21 et l'Accord de Paris en 2015 pour la lutte contre le changement climatique.
Une feuille de route pour les dix ans à venir
Pendant quinze jours, les délégués des 196 pays membres de la CDB, aidés d'experts, d'ONG et de représentants du monde économique, devront finaliser et signer un nouveau «cadre mondial post-2020». A savoir, une feuille de route composée d'une vingtaine d'objectifs à remplir d'ici à 2030, pour préserver la biodiversité.
Ce nouveau protocole devra ainsi remplacer celui pris lors du dernier grand sommet sur la biodiversité (COP10), qui s'est tenu en 2010 dans la préfecture d'Aichi, au Japon et dont aucun des vingt objectifs n'a été atteint. Il y a douze ans, cet accord appelait notamment à la réduction de moitié la perte des habitats naturels, la fin des subventions aux produits nocifs pour la biodiversité, ou encore la protection de 17 % des zones terrestres et 10 % des zones marines.
Contrairement au climat où il suffirait de baisser les émissions de gaz à effet de serre, préserver la biodiversité est un enjeu plus complexe et multifactoriel. En plus de se battre contre le réchauffement climatique, il faudrait lutter contre la pollution de l'eau, des sols, la déforestation, l'artificialisation des terres... Autant de sujets où trouver un consensus entre 196 Etats est aujourd'hui très difficile.
Les propositions-clés de la COP15
Pourtant, les dix prochaines années seront cruciales pour endiguer la perte de biodiversité que le monde connaît aujourd'hui. Ainsi, le projet cadre qui doit être débattu lors de cette COP15 comporte vingt-deux objectifs.
Parmi eux, il y a le programme 30/30, ou «objectif 3», à savoir le placement sous protection de 30 % des terres et des mers. Il est l'objectif le plus emblématique du projet d'accord, mais également celui qui aujourd'hui est le plus controversé. Certaines communautés autochtones craignent que les efforts mis pour protéger davantage les terres n'empiètent sur leurs droits et que cette mesure puisse être utilisée pour les expulser de leurs terres. De même, un autre débat existe parmi les experts pour savoir si l'objectif de 30 % est suffisant pour préserver l'intégrité des écosystèmes.
Il y a aussi l'objectif 7 qui appelle à réduire de moitié ou des deux tiers l'utilisation des pesticides et engrais pour une agriculture plus durable. Et un autre objectif cherche à mettre fin ou à réduire du moins les subventions aux industries qui contribuent à la perte de biodiversité. Et certains projets qui seront débattus lors de ces quinze prochains jours aborderont plus largement la restauration des espaces naturels ou l'arrêt de la propagation des espèces envahissantes.
La finance sur la table
Lors de cette COP15, les regards seront une nouvelle fois tournés vers le plan de financement demandé par un grand nombre de pays en développement, dont le Brésil, l'Afrique du Sud et l'Indonésie. Ces Etats demandent à ce que les pays riches transfèrent au moins «100 milliards de dollars par an jusqu'en 2030» pour préserver la biodiversité. A noter que cette somme devra s'ajouter à celle équivalente obtenue pour le climat lors de la COP27 de Charm el-Cheikh. Aujourd'hui, les engagements financiers internationaux annoncés publiquement pour la biodiversité sont de l'ordre de 7,1 milliards de dollars par an.
A la veille de l'ouverture de cette nouvelle conférence des partis, les pays européens se sont dit réticents à la création d'un énième fonds, préférant l'amélioration des flux financiers déjà existants, via notamment les banques de développement.
Ainsi, la question des contreparties financières fera sans nul doute partie de débats ces quinze prochains jours en vue de ratifier un accord-cadre aux objectifs précis, mesurables et contraignants à la hauteur des enjeux pour préserver la biodiversité d'une «sixième extinction».