Fukushima est "en fait, devant nous" : l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a détaillé jeudi le calendrier des "travaux massifs" obligatoires pour sécuriser les centrales françaises.
Le "gendarme français du nucléaire", s'appuyant sur les conclusions de son audit post-Fukushima de janvier, impose notamment à EDF la création d'une "force d'action rapide" d'ici 2014 et, à plus long terme, d'un "noyau dur" dans chaque centrale permettant de limiter les conséquences d'un éventuel accident.
"Beaucoup pensent que Fukushima est derrière nous, mais c'est, en fait, devant nous", a résumé le directeur général de l'ASN, Jean-Christophe Niel, en marge d'une conférence de presse à Paris.
L'ASN a adopté 32 décisions portant sur 19 centrales exploitées par EDF, mais aussi 8 sites d'Areva (liés au combustible) et 5 sites du Commissariat à l'énergie atomique (CEA, pour le volet recherche).
Après l'accident de Fukushima, en mars 2011, l'ASN avait analysé le niveau de sûreté des installations françaises et en avait conclu qu'aucune centrale ne devait être fermée mais qu'il fallait en accroître la "robustesse".
Ces "travaux massifs" vont prendre plusieurs années, selon un "échéancier raisonnable", a précisé le président de l'ASN, André-Claude Lacoste.
La "force d'action rapide", un dispositif d'urgence permettant d'envoyer des équipes spécialisées et du matériel sur un site en moins de 24 heures, devra être capable d'intervenir sur un réacteur fin 2012 et sur tous les réacteurs d'une même centrale fin 2014, souligne l'ASN.
Facture évaluée à 10 milliards d'euros
Dans le cadre de l'élaboration d'un "noyau dur" dans chaque centrale, c'est-à-dire des locaux bunkerisés et des procédures renforcées adaptées à des situations de crise, l'ASN exige un système d'alimentation supplémentaire de sécurité par réacteur, au plus tard en 2018. Et un dispositif temporaire, plus léger, doit être installé d'ici un an.
Pour l'ensemble des travaux, EDF a évalué la facture à environ 10 milliards d'euros, a rappelé M. Lacoste, jugeant ce chiffre "pas invraisemblable".
EDF, dans un communiqué, a indiqué avoir "d'ores et déjà engagé un plan d'action" pour se conformer aux prescriptions.
Areva a souligné avoir remis à l'ASN "ses propositions techniques et d'organisation visant à renforcer la sûreté de ses sites en cas de situation extrême".
Greenpeace se pose pour sa part la question de "la pertinence de tels investissements" alors que "le nouveau président de la République a promis de faire baisser la part du nucléaire dans le mix électrique d'ici 2025".
Le président de l'ASN, lui, a évoqué un autre "point embarrassant" : le fait qu'il faudra peut-être 10 ans pour connaître le fin mot de Fukushima.
"Nous avons évidemment le devoir de prendre dès que possible des décisions pour améliorer la sûreté mais nous sommes amenés à les prendre sans être totalement sûrs d'avoir compris ce qui s'est passé", a indiqué M. Lacoste.
Concernant par exemple le fait, admis pour le moment, que seul le tsunami a provoqué la catastrophe alors que les installations ont, elles, bien résisté au séisme, le 11 mars 2011 : "à vérifier" pour le patron de l'ASN.
L'ASN, qui a par ailleurs dressé le bilan de ses inspections de 2011, a qualifié l'année d'"assez satisfaisante" en France.
Avec toutefois deux mauvais élèves en ce qui concerne les centrales : Chinon (Indre-et-Loire), "en retrait" en matière de radioprotection, et surtout Saint-Alban (Isère), en "queue de peloton" depuis plusieurs années.
Le Réseau Sortir du nucléaire a d'ailleurs évoqué jeudi une "grave lacune de sûreté" sur les réacteurs de trois centrales, dont Saint-Alban, pointant les possibles conséquences en cas de séisme. EDF a reconnu des "défauts" mais assuré qu'il "n'y a pas d'enjeu d'atteinte à la sûreté".