A dix jours de la présidentielle, le gouvernement a réitéré son engagement européen de ramener le déficit public sous la barre des 3% du produit intérieur brut (PIB), dans des prévisions économiques aux allures de testament budgétaire.
Le ministère des Finances, dans son «programme de stabilité» qui doit être envoyé d'ici fin avril à Bruxelles, a révisé légèrement à la hausse sa prévision de déficit public pour 2017, à 2,8% du PIB contre 2,7% annoncé jusqu'alors. Ce chiffre, qui reste toutefois dans les clous européens, serait atteint à la faveur d'une croissance de 1,5%. Une prévision inchangée par rapport au projet de loi de finances pour 2017.
«Nous avons pour objectif (...) de rendre une maison en ordre avec un passage sous les 3% en 2017 sécurisé», a assuré le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert. Ce dernier cadrage macroéconomique du quinquennat revêt toutefois un caractère très théorique, puisque le respect de la trajectoire fixée par l'actuel ministre des Finances incombera au prochain gouvernement.
L'objectif des 3% jugé peu crédible
L'objectif des 3% est en outre jugé peu crédible par de nombreux observateurs, la plupart des candidats à la présidentielle ayant dit vouloir s'affranchir de cet engagement, accusé d'entraver la reprise. Dans un avis publié mercredi, le Haut conseil des Finances publiques, organe indépendant évaluant la crédibilité des prévisions budgétaires de Bercy, a insisté sur les «risques importants» pesant sur la réalisation des objectifs fixés par le gouvernement.
«La France est à quelques pas du rétablissement définitif de ses finances publiques», s'est défendu de son côté le ministre de l'Economie et des Finances Michel Sapin, insistant sur le sérieux de ses prévisions budgétaires. D'après Bercy, la décision de relever le chiffre du déficit a été prise en tenant compte «d'un déficit légèrement plus dégradé que prévu en 2016», à 3,4% du PIB contre 3,3% attendus, et d'une croissance plus faible que prévu, à 1,1% au lieu de 1,5%.
Elle intègre également les conséquences de la nouvelle convention d'assurance-chômage conclue par les partenaires sociaux fin mars, qui occasionnera des dépenses supplémentaires pour les finances publiques.
«Souveraineté» et «crédibilité»
Pour tenir ses engagements, le gouvernement a inscrit 3,4 milliards d'euros de mesures de redressement complémentaires en 2017, comprenant selon Bercy un nouveau coup de rabot sur les dépenses des ministères de l'ordre de «1,5 milliard d'euros». Concernant 2018 et 2019, le gouvernement a également relevé ses prévisions de déficit, respectivement à 2,3% du PIB (contre 1,9% anticipés auparavant) et 1,6% (contre 1,2%). Pour 2020, il prévoit un déséquilibre budgétaire ramené à 1,3% du PIB.
Malgré ces déficits, la dette publique rapportée au PIB devrait légèrement refluer, passant de 96% cette année à 93,1% en 2020. En matière de croissance, le ministère a révisé à la baisse ses prévisions à 1,5% en 2018 contre 1,75% jusqu'alors anticipés, et à 1,6% en 2019, au lieu de 1,9%. Pour 2020, le ministère anticipe une hausse de 1,7% du PIB.
«Une base raisonnable»
Le Haut conseil des Finances publiques a jugé dans son avis que ces hypothèses de croissance pouvaient constituer pour le prochain gouvernement «une base raisonnable pour la construction de trajectoires de finances publiques». Pour 2017, l'instance présidée par Didier Migaud souligne toutefois que le chiffre de 1,5% retenu par le gouvernement «est légèrement supérieur à la plupart des prévisions disponibles».
La Commission européenne et l'OCDE prévoient une croissance limitée à 1,4% cette année, le FMI de 1,3%. Mais «au regard des enquêtes de conjoncture favorables et de l'amélioration de la croissance mondiale», l'objectif du gouvernement reste «plausible», souligne le Haut Conseil. Se félicitant d'avoir préparé «l'avenir sur des bases plus saines», Michel Sapin a appelé le prochain gouvernement à respecter cette trajectoire budgétaire. «Le voeu le plus sincère que nous pouvons formuler pour l'avenir» est qu'il «conserve cet esprit de sérieux qui a guidé notre action», a-t-il déclaré.
«C'est un point essentiel, tant pour la souveraineté de la France et la pérennité de notre modèle social, que pour notre crédibilité au niveau européen», a-t-il conclu.