Les Etats-Unis demandent à Deutsche Bank de payer une amende record de 14 milliards de dollars pour solder un litige immobilier remontant à la crise financière.
"Deutsche Bank n'a pas l'intention de solder ces potentielles requêtes civiles au montant proche du chiffre cité", a fait savoir jeudi la première banque allemande, dont l'action dévissait de près de 7% dans les échanges électroniques après la clôture. "Le DoJ (département de la Justice américain) a invité la banque à soumettre une contre-offre", ajoute-t-on de même source, tout en soulignant que les négociations "viennent seulement de commencer".
Deutsche Bank, qui en pleine restructuration marquée par des suppressions massives d'emplois, dit espérer que ces tractations aboutissent à une amende d'un montant similaire à celle payée par d'autres grandes banques dans ce dossier épineux. La banque d'affaires américaine Goldman Sachs avait finalisé mi-avril une amende de 5,06 milliards de dollars pour des faits presque similaires.
A 14 milliards de dollars, Deutsche Bank écoperait de l'amende la plus importante jamais infligée à une banque étrangère aux Etats-Unis, loin devant les 8,9 milliards de dollars dont l'établissement français BNP Paribas a écopé en 2014 pour avoir violé des embargos américains. Le montant final devrait se situer nettement en-dessous des 14 milliards de dollars, a indiqué une autre source proche du dossier à l'AFP.
Toutefois, ces négociations pourraient être influencées par le climat anti-Wall Street qui prévaut actuellement dans la campagne électorale pour la Maison Blanche.
8.000 litiges judiciaires
Deutsche Bank est accusée, comme d'autres grandes banques, d'avoir vendu à des investisseurs avant l'éclatement de la crise financière de 2007-2008 des prêts hypothécaires résidentiels (RMBS), qui sont des crédits immobiliers convertis en produits financiers, tout en sachant qu'ils étaient toxiques.
Baptisée titrisation, cette tactique, utilisée abondamment par les grandes banques pour convertir des portefeuilles de prêts en titres financiers qu'elles cèdent ensuite sur les marchés, est jugée responsable des pertes abyssales subies en 2008 par de nombreux investisseurs, dont ceux ayant acheté les titres adossés aux fameuses "subprimes".
Deutsche Bank a mis de côté 5,5 milliards d'euros (6,2 milliards de dollars) au 30 juin pour résoudre des litiges en cours, selon des documents boursiers. Elle espérait, selon des sources proches, écoper d'une amende comprise entre 2 et 3 milliards dans le dossier des RMBS.
Trois grandes banques américaines, JPMorgan Chase, Citigroup et Morgan Stanley, ont déjà accepté de payer un montant cumulé de 23 milliards de dollars pour solder des poursuites liées aux RMBS. Le record revient à Bank of America, qui s'est vu infliger une amende de 16,65 milliards de dollars à l'été 2014.
Les banques européennes Barclays, UBS, Credit Suisse et Royal Bank of Scotland (RBS) sont également dans le collimateur des autorités américaines.
L'accord que va finaliser Deutsche Bank devrait comporter une amende civile, des dédommagements à des investisseurs lésés et aux consommateurs, détaille à l'AFP une source proche du dossier.
L'établissement pourrait être amené, selon elle, à financer des travaux de réhabilitation des maisons de ménages, aider à la restructuration de la dette pour d'autres et soutenir financièrement des programmes de prévention de saisies immobilières.
Ce compromis prendrait la forme d'un "deferred prosecution agreement", c'est-à-dire que outre l'amende, la banque reconnaît des éléments qui lui sont reprochés et s'engage à ne plus commettre d'infractions similaires. En échange, les autorités renonceraient à la poursuivre au pénal.
Deutsche Bank, impliquée dans près de 8.000 litiges judiciaires dans le monde, n'en aura pas pour autant terminé avec les autorités américaines puisque le régulateur des services financiers de New York (DFS) enquête sur des soupçons de blanchiment d'argent supposé au sein de sa filiale russe.