BNP Paribas est sur le point de tourner lundi une page douloureuse de son histoire en payant une amende record de neuf milliards de dollars afin d'échapper à des poursuites pénales pour violation d'embargo américain.
Cette pénalité financière est la plus lourde jamais infligée par les Etats-Unis à une banque étrangère.
Un accord, dont les détails étaient finalisés dimanche, entre la première banque française et les autorités américaines devrait être annoncé vers 20H00 GMT lundi, selon des sources concordantes.
Sollicités par l'AFP, ni BNP ni les autorités concernées n'ont souhaité faire de commentaire.
Cet arrangement à l'amiable va mttre fin à des mois d'âpres et tendues négociations ayant impliqué le sommet de l'Etat français. Le président François Hollande s'est personnellement investi en essayant de faire pression sur son homologue américain Barack Obama, qui a clairement exclu toute intervention.
Le ministre français de l'Economie, Arnaud Montebourg, a répété dimanche l'exigence de Paris de sanctions américaines "justes et proportionnées" et averti d'un durcissement à attendre des négociations transatlantiques en cours pour la conclusion d'un accord de libre échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis.
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BNP va plaider coupable, selon le droit américain, évitant ainsi un procès à l'issue incertaine, d'après les sources.
Cette reconnaissance de culpabilité, exceptionnelle pour une entreprise, n'est pas sans risque: elle l'expose à des demandes de dédommagement de la part de tiers et à la possibilité que certains fonds de pension ou encore des collectivités locales ne puissent plus avoir de relations commerciales avec elle selon leurs règles internes.
- Punition inégalée -
BNP aurait aussi accepté de s'acquitter d'une amende de 8,9 milliards de dollars (6,4 milliards d'euros), selon les sources, ce qui correspond à 16 mois de bénéfices au regard des résultats 2013 (4,8 milliards d'euros de bénéfice net).
La banque avait provisionné 1,1 milliard de dollars (798 millions d'euros), un montant dans la fourchette des amendes infligées en 2012 par les Etats-Unis à plusieurs établissements étrangers: les banques britanniques HSBC (1,36 milliard de d'euros) et Standard Chartered (483 millions d'euros) et la néerlandaise ING (446 millions d'euros). Credit Suisse s'est vu imposer une pénalité de 2,6 milliards de dollars (1,87 milliard d'euros) en mai pour incitation à l'évasion fiscale.
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"Je veux le dire clairement: nous serons sanctionnés lourdement. Parce que des dysfonctionnements sont intervenus et que des erreurs ont été commises", a prévenu le directeur général Jean-Laurent Bonnafé dans une note interne aux salariés diffusée vendredi.
Pour nombre d'analystes, cette amende va ternir la réputation de la banque et affecter lourdement sa rentabilité cette année.
BNP se verra en outre imposer une suspension d'un an de ses opérations de "compensation" (règlement) en dollars, selon les sources.
Cette sanction concernerait les activités très lucratives de négoce de pétrole et de gaz, au coeur de l'affaire.
Ses bureaux de Paris, Singapour et surtout Genève, la filiale mise nommément en cause, seraient interdits de toute transaction en dollars pendant cette période, ajoutent encore les sources.
Un délai devrait être accordé à BNP pour qu'elle trouve une solution de remplacement, à savoir une banque qui accepte de régler pour elle les paiements en dollars. Elle aurait le mérite de limiter voire d'éviter des départs de ses clients institutionnels (multinationales, fonds d'investissements, assureurs, groupes pétroliers...).
BNP aurait déjà approché des banques aux Etats-Unis, a indiqué à l'AFP une source bancaire.
- 30 milliards dissimulés -
Au-delà de ce paquet de sanctions financières, BNP Paribas a dû couper des têtes.
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Deux hauts dirigeants dont le directeur général délégué Georges Chodron de Courcel et une douzaine de banquiers liés aux opérations litigieuses quittent la banque, selon les sources.
BNP s'est retrouvée dans le collimateur du département de la Justice (DoJ) et du régulateur bancaire de New York, Benjamin Lawsky, pour avoir autorisé des paiements en dollars vers des pays soumis à des sanctions économiques américaines, notamment le Soudan, l'Iran et Cuba entre 2002 et 2009.
Ces transactions étaient légales au regard du droit international mais étant libellées en dollar ont dû transiter par une chambre de compensation située aux Etats-Unis, ce qui les plaçait sous le coup du droit américain.
BNP aurait mené certaines transactions prohibées jusqu'en 2012, alors que l'enquête des autorités américaines était déjà bien engagée, indique une source.
L'enquête a porté sur plus de 100 milliards de dollars de transactions, pour déterminer ensuite que quelque 30 milliards de dollars avaient été dissimulés afin de contourner les sanctions, selon des sources.
Les marchés semblent avoir anticipé ces lourdes sanctions qui se dessinent depuis fin avril puisque dans le même temps l'action BNP Paribas a perdu environ 10% de sa valeur.