Les grands argentiers du G20 ont exprimé samedi leur déception sur la croissance mondiale, sur fond d'inquiétudes autour d'un ralentissement économique de la Chine, mais se sont promis d'accorder leurs violons sur les changes et la politique monétaire.
Les ministres des Finances et banquiers centraux des vingt principales économies de la planète reconnaissent que "la croissance mondiale ne satisfait pas (leurs) attentes", selon un projet de communiqué final obtenu samedi par l'AFP qui devait encore être officiellement validé.
"Nous avons promis d'engager des actions décisives pour que la reprise économique reste en bonne voie", écrivent-ils au terme de deux jours de réunion à Ankara. Ils se disent malgré tout "confiants" de voir cette reprise "accélérer" mais sans donner de calendrier.
Usant du vocabulaire millimétré propre à ces documents, les grands argentiers du G20 se sont par ailleurs engagés à s'abstenir de "toute dévaluation compétitive" et à résister "à toute forme de protectionnisme".
Cette promesse intervient près d'un mois après une dévaluation brutale du yuan chinois qui avait pris de court les marchés, boursiers comme des matières premières.
De nombreux pays émergents laissent eux filer leurs devises, entretenant la crainte d'une "guerre des changes", où chaque pays tente de rafler des marchés aux autres en manipulant sa devise.
Les Etats-Unis, qui ont beaucoup œuvré pour que le terme de "dévaluation compétitive" figure dans le texte final, ont eux aussi été rappelés à leur responsabilité par le G20, même si toujours à mots couverts.
La Fed sous surveillance
Les pays du G20 s'engagent à "calibrer et communiquer soigneusement (leurs) actions, en particulier dans le contexte de décisions majeures de politique monétaire et autres, pour réduire les risques de contagion" ou "spillover", selon le terme consacré par les analystes.
Le message semble clairement adressé à la Réserve fédérale américaine, qui tient en haleine les marchés, mais aussi les pays émergents sur le calendrier de sa première hausse de taux après des années de largesse monétaire.
Certains prédisent un geste dès le 17 septembre mais le plus tard serait le mieux pour les pays émergents, qui craignent une fuite de capitaux vers des rendements plus élevés aux Etats-Unis.
Dans son projet de communiqué, le G20 met aussi en garde contre une "trop grande dépendance à la politique monétaire", qui ne "conduira pas à une croissance équilibrée".
La Banque centrale européenne (BCE) a encore assuré la semaine passée qu'elle ne se fixait "aucune limite" au soutien à l'économie européenne, et de manière générale, les politiques monétaires dans le monde n'ont jamais été aussi généreuses.
Le texte est le produit d'un arbitrage subtil entre le camp des optimistes, les Etats-Unis et dans une moindre mesure les Européens, et celui des plus prudents, comme le Fonds monétaire international (FMI) et les pays émergents.
Les émergents en crise
Un bon exemple, outre le Brésil et la Russie en pleine récession, est le pays hôte des réunions du G20, la Turquie. Son taux de change vient de toucher un nouveau plus bas face au dollar sous la barre des 3 livres pour un billet vert.
Par ailleurs, le projet de communiqué final promet de faire plus de place aux pays pauvres dans les grandes manœuvres, pilotées par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) pour le compte du G20, pour empêcher les multinationales de fuir l'impôt (optimisation fiscale).
Cette organisation en petit comité est vivement critiquée par des ONG et des activistes tels que le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz.
Le G20 entend aussi s'attaquer au financement du terrorisme, notamment en "facilitant" les procédures de gels d'avoirs.
Enfin, le groupe des 20, qui pèse 85% de l'économie mondiale, encourage les pays riches, pour la plupart ses propres membres, à "amplifier leurs efforts de financement" de la lutte contre le réchauffement climatique, dans la perspective de la grande conférence de fin d'année à Paris (COP 21).