Alors que le Royaume-Uni risque de retomber en récession, le pays s'est vu retirer pour la première fois depuis 1978 son triple A par l'agence de notation Moody's, déclenchant le redoublement des critiques de l'opposition pour qui le plan d'austérité gouvernemental tue la croissance.
Abaissant la note d'un cran à Aa1, Moody's a évoqué vendredi soir "la faiblesse continue des perspectives à moyen terme" de la Grande-Bretagne, et a affirmé désormais s'attendre à ce que l'activité économique atone du pays "s'étende à la deuxième moitié de la décennie".
L'agence a toutefois tenu à souligner la solidité de l'économie britannique, jugeant sa solvabilité "extrêmement élevée" et relevant la perspective du pays de "négative" à "stable".
Le Royaume-Uni a fait un premier pas vers une nouvelle récession en accusant une contraction de son produit intérieur brut de 0,3% au quatrième trimestre 2012. Si la morosité se confirmait sur les trois premiers mois de l'année, la Grande-Bretagne connaîtrait sa troisième récession depuis le début de la crise financière en 2008-2009.
La décision de Moody's intervient tout juste un an après qu'elle eut envoyé un premier avertissement au gouvernement.
En décembre, le ministre britannique des Finances George Osborne avait également été contraint de reconnaître que la cure d'austérité allait devoir durer un an de plus que prévu, jusqu'en 2018, et qu'il ne tiendrait pas son objectif de réduction de la dette, ce qui avait valu au pays une mise en garde de l'agence Fitch sur une possible perte de son triple A.
Gouvernement sous pression
Cet abaissement, s'il n'est pas une surprise, met néanmoins le gouvernement sous pression à moins d'un mois de la présentation de son budget prévue le 20 mars.
"Plusieurs facteurs se combinent mais il y a principalement un processus de désendettement du secteur privé et public qui a sans aucun doute étouffé la croissance", a indiqué à l'AFP Sarah Carlson, analyste en chef de Moody's pour la Grande-Bretagne, évoquant également une "inflation élevée" qui pèse sur les ménages.
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Moody's s'inquiète du niveau de la dette publique britannique. Selon le FMI, elle devrait se creuser en 2013 pour atteindre 93,3% du PIB et selon Moody's, elle ne devrait "pas s'inverser avant 2016".
"Nous avons droit à un sévère rappel des problèmes de la dette auxquels est confronté notre pays (...). Nous n'allons pas tourner le dos à nos problèmes, nous allons les surmonter", a aussitôt réagi le ministre des Finances britannique George Osborne.
"Loin d'affaiblir notre détermination à mettre en oeuvre notre plan de relance, cette décision la redouble", a-t-il martelé.
Pour Ed Balls, le responsable de l'opposition travailliste chargé de l'économie, l'abaissement de la note du Royaume-Uni "prouve que le plan n'a pas marché". C'est "un coup humiliant pour le Premier ministre et son ministre des Finances qui affirmaient que le maintien du triple A était un test pour leur crédibilité économique et politique" a-t-il dit.
"Le gouvernement doit prendre de toute urgence des mesures pour relancer notre économie atone et réaliser que nous avons besoin de croissance pour réduire les déficits (...) au lieu de saigner le malade comme le faisaient les médecins au XVIIIe siècle", a-t-il préconisé.
Il y a tout juste un mois, le chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), Olivier Blanchard, recommandait au gouvernement de David Cameron de tempérer son programme de rigueur en préconisant "un assainissement budgétaire plus lent".
Pour les analystes, même si la décision de Moody's affaiblit politiquement le gouvernement, elle aura peu d'impact sur les marchés qui orientent les taux d'intérêt des banques auxquelles le pays doit emprunter pour financer la dette.
"La perte du triple A aura un effet négatif limité sur l'économie britannique, comme cela a été le cas pour la France et les Etats-Unis", juge Howard Archer, analyste chez IHS Global Insight.
"Ce qui compte c'est que les taux d'intérêts restent très bas ce qui signifie que les marchés ne considèrent pas encore que le pays représente un risque, malgré ses problèmes", a ajouté M. Archer, dans une note.
George Osborne "n'a pas d'autres choix que de maintenir fermement la politique actuelle" d'austérité, juge quant à lui Howard Wheeldon, analyste chez Wheeldon Strategic Advisory.