Les investisseurs plébiscitent la dette de la France, considérée comme sûre et toujours gratifiée de la meilleure note possible par l'agence Moody's, une aubaine pour le nouveau président François Hollande.
Démentant les Cassandre qui pronostiquaient de vives tensions sur le marché obligataire en cas de retour de la gauche au pouvoir, le taux de l'obligation française de référence à 10 ans, qui évolue en sens inverse de la demande, flirtait jeudi autour de ses plus bas historiques, en-dessous des 2,5%.
Une autre bonne nouvelle est venue sur le front des agences de notation. Contrairement à son homologue américaine Standard & Poor's (SP), qui a privé la France de son triple A en janvier, Moody's a laissé inchangée jeudi la note "Aaa", la meilleure possible, qu'elle accorde au pays.
Moody's continue de l'assortir d'une perspective négative, signifiant qu'elle pourrait l'abaisser à moyen terme. Mais l'agence se donne quelques mois pour évaluer la politique du nouveau gouvernement.
"La détente actuelle des taux français n'est pas liée à la victoire de M. Hollande, mais à des facteurs hors de France. Paris est vu par défaut comme un placement très sûr face à ses voisins d'Europe du sud", commente Frédérik Ducrozet, économiste au Crédit Agricole.
Les investisseurs redoutent que les difficultés financières de la Grèce provoquent une onde de choc en zone euro, frappant notamment l'Espagne, dont le secteur bancaire est affaibli par ses actifs immobiliers risqués.
La rencontre entre les chefs d'Etat et de gouvernement européens, qui s'est tenue mercredi soir à Bruxelles, n'a pas répondu à ces inquiétudes.
Le sommet "s'est déroulé sans incident" mais "tous les participants sont restés sur leur position", déplore Chris Weston d'IG Markets.
Paris et Berlin ne sont notamment pas parvenus à s'accorder sur une éventuelle mise en place d'euro-obligations, un mécanisme qui permettrait aux pays de la zone euro de mutualiser leurs dettes et d'emprunter de l'argent en commun.
Arme politique
Dans ce contexte, la France rassure au même titre que l'Autriche ou la Finlande, mais toutefois moins que l'Allemagne.
"Les structures économiques et financières restent solides dans l'Hexagone. Les banques sont bien capitalisées et les fonds d'épargne (assurance-vie, livret A...) sont importants, ce qui permettra de mieux résister à d'éventuelles secousses", commente Ciaran O'Hagan, analyste pour la Société Générale.
Les obligations françaises offrent aussi un rendement encore relativement attractif alors que la dette allemande ne rapporte plus rien aux investisseurs. Berlin a emprunté mercredi pour la première fois à échéance deux ans à un taux zéro.
Selon M. Ducrozet, certains investisseurs, même s'ils restent marginaux, parient aussi sur des scénarios extrêmes comme celui d'un éclatement pur et simple de l'Union monétaire.
Or, dans ce cas-là, "seules deux monnaies auront de la valeur à leurs yeux: le mark et le franc", explique l'économiste.
Même si la récente baisse des taux d'emprunt de la France ne découle pas, d'après les analystes, de l'arrivée au pouvoir de M. Hollande, elle peut rapidement devenir une arme politique non négligeable pour le nouveau locataire de l'Elysée.
"M. Hollande pourra toujours mettre en avant que le chaos prédit par ses adversaires n'a pas eu lieu. Bien au contraire. Pour l'instant, il tient ses promesses de campagne et même si certaines ne sont pas raisonnables en matière de rigueur budgétaire, les marchés s'en moquent, focalisés sur la Grèce", souligne Jean-François Robin chez Natixis.