Présentée comme «la plus jeune self-made milliardaire au monde», ou encore «la prochaine Steve Jobs» par de nombreux titres de presse, Elizabeth Holmes - dont l'histoire sera au cœur de la série «The Dropout» sur Disney+ - trônait au sommet du monde en 2014 à l’âge de 30 ans. Avant sa chute vertigineuse.
La jeune femme a été élevée par des parents bureaucrates, et bien intégrés dans la haute société, à Washington. À l’âge de 9 ans, elle a écrit une lettre à son père dans laquelle elle déclare vouloir «découvrir une chose nouvelle, une chose que l’humanité ne pensait pas possible». En 2002, Elizabeth Holmes rejoint la prestigieuse université de Stanford pour y étudier le génie chimique. C’est là qu’elle va avoir l’idée de créer une machine capable de déterminer les infections potentielles d’un patient, et de lui délivrer une prescription d’antibiotiques adaptée.
À 18 ans, la jeune femme démontre une intransigeance peu commune, qui sera un moteur au moment de créer sa société l’année suivante. Mais déjà, un premier avertissement se présente sur son chemin. Experte en pharmacologie clinique à Stanford, la professeur Phyllis Gardner prévient Elizabeth Holmes que son idée ne fonctionnera pas. «Elle a totalement ignoré mes propos», se souvient-elle, selon la BBC. «Elle semblait totalement convaincue de sa propre intelligence. Elle n’était pas intéressée par mon expertise et cela était contrariant», poursuit la professeur.
Une ascension fulgurante
En 2003, âgée de 19 ans, Elizabeth Holmes quitte Stanford pour fonder la start-up Theranos, dont la promesse est de créer un outil révolutionnaire permettant de réaliser des tests sanguins complets à l’aide d’une seule goutte de sang. Et de fournir une prescription en fonction des résultats. Un projet qui va séduire énormément de personne, dont des investisseurs de premiers plans tels que l’ancien secrétaire du Trésor américain George Shultz, le magnat des médias Rupert Murdoch, ou encore la famille Walton, la plus riche des États-Unis. L’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger ou encore le général James Mattis siègent au conseil de l’entreprise.
Forte de ces soutiens, la valeur de Theranos ne cesse de grimper au point d’atteindre la barre symbolique des 10 milliards de dollars. Rien ne semble arrêter Elizabeth Holmes, dont l’habitude de porter des pulls noirs à col roulé inspire à la presse des comparaisons avec Steve Jobs, le cofondateur d’Apple. En 2015, l’ancien doyen de la faculté de médecine d’Harvard, le docteur Jeffrey Flier, l’invite à déjeuner. «Elle était sûre d’elle, mais quand j’ai commencé à lui poser des questions à propos de sa technologie, elle ne semblait pas comprendre. Cela m’a paru un peu étonnant, mais je ne suis pas parti de là en pensant qu’il s’agissait d’une fraude», explique-t-il selon la BBC.
Une chute brutale
La même année, le journaliste John Carreyrou du Wall Street Journal, publie une enquête révélant le manque de preuves scientifiques fournies par Elizabeth Holmes à propos de son invention, baptisée The Edison. Pis, il est révélé que Theranos utilise les appareils de ses concurrents pour réaliser ses tests. Les plaintes s’accumulent alors, et en 2016, les autorités américaines interviennent. Deux ans plus tard, Theranos est dissout.
Elizabeth Holmes est accusée d’avoir trompé les investisseurs sur la situation financière de sa société, et sur les tests réalisés par son produit. Elle parvient à trouver un accord à l’amiable avec les régulateurs financiers concernant l’argent investi, estimé à 700 millions de dollars. Mais trois mois plus tard, elle et son petit ami de l’époque, Ramesh «Sunny» Balwani, sont inculpés pour fraude informatique. Elizabeth Holmes accuse notamment ce dernier – qui sera jugé séparément – d’abus sexuels et le désigne comme responsable des problèmes techniques rencontrés par la société. Elle est libérée sous caution en attente de son procès.
Où en est-elle aujourd’hui ?
En 2019, Elizabeth Holmes a épousé William Evans, le riche héritier du groupe hôtelier Evans Hotel. Le couple a accueilli son premier enfant en juillet dernier. Le 4 janvier, après plus de trois mois de procès et sept jours de délibérations, le jury du tribunal de San José a reconnu Elizabeth Holmes coupable d'escroquerie envers des investisseurs. En revanche, faute d'accord sur les autres faits qui lui sont reprochés, elle a été acquittée de certains chefs d'accusation, comme celui de «complot en vue de commettre une fraude informatique».
Cette condamnation expose la jeune femme âgée désormais de 37 ans à plusieurs dizaines d’années de prison, mais la peine ne sera prononcée qu’à une date ultérieure par le tribunal fédéral. En attendant, Elizabeth Holmes n’est pas détenue en prison, et peut continuer à vivre auprès de sa famille.
Pour de nombreux observateurs, le cas d’Elizabeth Holmes démontre les dérives de la Silicon Valley, et de la devise qui dit : «Fake it until you make it», c’est-à-dire «Fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives». La jeune femme, par la voix de son avocat, réfute toute idée d’escroquerie, assurant avoir cru jusqu’au bout à ses objectifs. «L’échec n’est pas un crime, persévérer et ne pas y arriver n’est pas un crime. Mme Holmes a tenté jusqu’au bout de sauver sa société, ne vendant jamais une part», a affirmé son avocat, Lance Wade, au début du procès, avant de déclarer comme preuve de sa bonne foi que sa cliente n’avait pas hésité à «couler avec le bateau».