Trente ans après le succès de leur premier album «Mlah», les Négresses Vertes, groupe emblématique du rock alternatif français des années 1990, issu du punk, fait un retour remarqué au festival des Vieilles Charrues et ne s'interdit pas de revenir à la création.
Il aura fallu la date anniversaire de «Mlah», l'album de «Voilà l'été» et «Zobi la mouche», pour convaincre les compères historiques du groupe de briser 17 ans de silence.
Stéfane, Paulo, Mich, Iza et Ptit Mathieu, qui incarnèrent autant l'impertinence du rock que le temps de la fête et des vacances, entre java, punk, guinguette et raï, ont fait vibrer samedi le public des Vieilles Charrues. Seul le grain de folie d'Helno, chanteur emblématique du groupe décédé en 1993 d'une overdose, manquait à l'appel.
«Une fête entre nous»
Toujours sapés en costard, mais sans les tapis orientaux qui leur servaient de décor, ces ex-poulbots au style gouailleur ont pris du plaisir à faire danser le public en enchaînant les tubes. «C'est la première fois qu'on vient aux Charrues, c'est une fête entre nous, on est très contents du concert qu'on a fait, du public qu'on a vu, on nous amène de l'énergie et on en redonne», a confié à l'AFP Stéfane Mellino, l'un des fondateurs, à l'issue du concert.
«Dans cette tournée, on est allés à la rencontre des gens et on s'est rendu compte qu'on faisait partie de leur vie. Ils nous parlent du disque qu'ils mettaient quand ils allaient à la plage», constate Michel Ochowiak, dit Mich, rappelant que «'Voilà l'été' existe depuis 30 ans et passe toujours à la radio chaque été.»
Issu des fêtes tapageuses du 19e arrondissement de Paris, les Négresses Vertes ont connu un tournant avec la disparition d'Helno. «Ce fut un moment difficile», résume, laconique, Stéfane Mellino.
«y'en a marre que les noirs soient noirs et les blancs encore plus blancs»
«Chanter cet album est une façon de lui rendre hommage car ce sont presque en totalité des chansons qu'il a écrites», poursuit le chanteur guitariste, à la barbe poivre et sel. A la mort de leur ami, les Négresses vertes ont continué la scène en se partageant les chants, avant de se séparer en 2001.
«A travers ses paroles, on réentend sa poésie, qui trouve toujours écho. On voit que ce n'est pas oublié et que ses textes résonnent toujours de la même manière», souligne Mich.
Ainsi en va-t-il, selon eux, de la chanson «Il», écrite en 1988. «A l'époque, François Mitterrand promettait qu'il n'y aurait plus de SDF dans les rues, et aujourd'hui il y en a 100.000 de plus», commente Stéfane. Idem pour la «danse» des Négresses, qui prône du «colorant dans les éprouvettes», parce qu'il «y'en a marre que les noirs soient noirs et les blancs encore plus blancs».
Indémodable
Du côté du public, multigénérationnel, le rythme endiablé de «Sous le soleil de Bodega» fonctionne. «J'adore, c'est mythique, c'est les vacances, la bonne humeur, la fête. Ça reste indémodable», commente «Bob», 54 ans. «Ils ont gardé la même énergie et puis ce sont des précurseurs, avec leur musique arabo-andalouse, le mélange d'accordéon et de guitare», témoigne de son côté Sabine, venue de Brest. «Ils avaient l'air d'aimer la foule», remarque Argane, 19 ans, qui ne connaissait les Négresses que «de nom» et a reconnu «certaines chansons».
Mais pour Eric, photographe qui les a connus à la «grande époque», «les Négresses sans Helno, c'est un peu comme les Stones sans Mick Jagger». «Un groupe c'est un rassemblement d'identités et Helno, c'était une dégaine, une silhouette, une certaine élégance», assure-t-il.
Après leur séparation, les ex-Négresses ont continué la musique «chacun de leur côté». Aujourd'hui, le groupe pense peu à l'avenir même s'il ne s'interdit pas de revenir à la création. «Un petit accord de guitare et pourquoi pas. Si ça doit se faire ça se fera», lance Mich.