Un Mussolini bien vivant et presque attachant parcourt et séduit une Italie déboussolée dans la comédie «Sono tornato» (Je suis revenu), sortie jeudi dans la péninsule, un mois avant les élections législatives.
Le film reprend fidèlement la trame de «Il est de retour» (2015), comédie allemande adaptée du best-seller de l'écrivain Timur Vermes sur le succès fulgurant d'un Adolf Hitler revenant (2012) dans l'Allemagne contemporaine.
Dans «Sono tornato», c'est Mussolini, interprété sans caricature par Massimo Popolizio, qui se retrouve catapulté à Rome en 2016 et découvre une Italie multiethnique, sur le point de reconnaître les couples gays. Repéré par un apprenti vidéaste ambitieux, il s'embarque dans un «road trip» cocasse à la reconquête des Italiens, avant de devenir une vedette de la télévision, où tout le monde le prend pour un comédien.
Comme dans le film allemand, le réalisateur Luca Miniero intègre des séquences de rencontres entre l'acteur déguisé et des passants, qui l'accueillent avec des sourires, lui demandent des selfies et lui adressent le salut fasciste.
Dans des scènes de pure fiction comme celles d'un quasi documentaire, la parole se libère: un paysan veut rejeter tous les migrants à la mer --sauf son gendre-- ou un Napolitain se dit favorable à une dictature pour remettre de l'ordre, mais une «dictature libre, avec deux partis».
«Nous ne voulions pas faire le procès de Mussolini, l'histoire l'a déjà jugé. Nous voulions parler des Italiens», raconte à l'AFP Luca Miniero, qui avait déjà adapté «Bienvenue chez les Ch'tis» en un désopilant «Benvenuti al Sud».
«Nous avons découvert une Italie sans direction politique, assez raciste, en colère, un peu dépressive, qui se cherche un homme fort. Mais je l'ai trouvée plus humaine que l'Allemagne de 'Il est de retour', il y a moins de rage», ajoute-t-il.
«Jamais vraiment parti»
Reste que le dictateur chante, pleure, rit... Trop humain aux yeux de certains critiques, regrettant que seule une grand-mère juive atteinte d'Alzheimer rappelle la réalité du fascisme. «A l'époque aussi les gens riaient, à l'époque aussi ils croyaient que c'était seulement un comique», dit-elle ainsi.
Parce que peu à peu, le comique laisse la place au glaçant : «Pourquoi faire des blagues sur les immigrés ? Si vous avez des rats à la maison vous n'appelez pas un comique, vous appelez la dératisation», lance Mussolini lors de sa première émission de télévision.
«Au début on rit, et puis on a un peu honte de nos rires», explique le réalisateur, pour qui «au fond, Mussolini est l'un des nôtres, il n'est jamais vraiment parti».
Au box office, le film s'est classé troisième le jour de sa sortie avec 16.500 entrées, derrière «Pentagon Papers" (28.500) de Steven Spielberg et «Le labyrinthe : le remède mortel» (20.400).
«J'avais beaucoup aimé le film allemand il y a deux ans. Là, ça fait un peu moins rire, ça me touche plus», a témoigné Matteo, un étudiant de 24 ans, à la sortie d'un cinéma de Rome.
«Il y a une partie de l'Italie et des Italiens qui regrettent le temps où il y avait de l'ordre, et ça fait réfléchir», a ajouté un quinquagénaire qui n'a pas voulu donner son nom.
Luca Miniero assure que c'est «un hasard» si le film sort juste un mois avant des élections législatives qui devraient voir une progression des partis populistes ou d'extrême droite.
Son personnage démonte sans distinction tous les prétendants, mais le réalisateur espère que le film incitera les Italiens à aller voter : «On ne risque pas un retour du fascisme avec les chars dans la rue, mais on est déjà dans le populisme».
Et cela, même si le Mussolini du film, reprenant des propos réellement tenus par le Duce, prévient dans un monologue désabusé : «Ce n'est pas difficile de gouverner ce pays, c'est inutile».