Depuis 2006, les Globes de Cristal récompensent la création française et étrangère. Le producteur de cette cérémonie, Mehdi Hamdi, souhaite donner une nouvelle impulsion à ce concept unique, dont la prochaine édition se tiendra de nouveau au Lido de Paris, le 12 février 2018.
Avec Isabelle Huppert en présidente d'honneur du jury de ce douzième rendez-vous, Medhi Hamdi entend asseoir la réputation de ce rendez-vous, et en faire un étendard de la diversité culturelle française à l'étranger.
Vous avez repris la production des Globes de Cristal depuis la 11eme édition. Qu'est-ce qui vous a attiré dans le concept de cette cérémonie ?
Mehdi Hamdi : Les récompenses dans le monde des arts ont toujours existé, du Goncourt pour la littérature aux Césars pour le cinéma. Mais avant les Globes, il n'y avait pas, en France, de cérémonie célébrant l'ensemble des domaines culturels. C'est cette pluridisciplinarité qui est intéressante, et met en lumière la grande diversité et la richesse des arts en France. Le système de vote est, lui aussi, particulier. Il est fondé sur un panel de plus de 12.000 journalistes culturels prescrits par l'Argus de la presse, racheté depuis par Cision, puis ensuite d'un jury réunissant une dizaine d'entre eux, prescripteurs dans leur domaine. On évite ainsi l'entre-soi, ou des lauréats sont désignés par leurs pairs.
Du coté des artistes, c'est une formule qu'ils apprécient ?
M.H. : Oui, et principalement ceux pour qui il n'existe pas de récompense. Je pense par exemple à Gad Elmaleh, heureux que les humoristes aient eux aussi droit à leur Globe, ou encore la comédie musicale. Cela permet de valoriser des œuvres ou des artistes différemment, hors du circuit promotionnel. C'est une vrai reconnaissance pour eux, ils sont ravis de pouvoir faire partie de l'aventure.
Cette année, c'est la prestigieuse Isabelle Huppert qui est la présidente d'honneur, et qui succède à d'autres grands noms de la culture. Qu'est-ce qui les convainc de participer ?
M.H. : Isabelle Huppert nous à fait l'honneur d'accepter la présidence cette année. C'est une personne très impliquée dans son domaine, pas seulement comme comédienne. C'est à l'occasion du Festival du film de Cabourg que je l'ai rencontrée. Je pense qu'elle a été séduite par cette vision éclectique que je lui proposait pour les Globes de Cristal. De manière très humble, elle s'est glissée dans son costume, avec douceur et bienveillance. Elle a reconnu que son avis ne serait pas aussi avisé selon qu'on parle de cinéma ou de musique par exemple. C'est en tout cas, pour nous organisateurs, une chance formidable de la savoir impliquée, elle renvoie une image forte, en France comme à l'international, ou elle vient de vivre une année incroyable de célébrations.
Le monde nous envie notre prestige, notre vie culturelle
Comment se déroulera cette édition 2018 ?
M.H. : Pour cette année, le format sera identique à celui de l'année dernière. Après les délibérations du jury, le mois dernier, au Fouquet's, la soirée de remise des prix se fera de nouveau au Lido de Paris. Nous avions déjà rajouté deux catégories de récompenses, la meilleure série étrangère, et le meilleur film étranger. Cela permet de faire un pont avec d'autres régions du monde Mais dès 2019, nous allons encore diversifier les catégories de récompenses, en y ajoutant par exemple un lauréat des séries courtes, qui sont en plein développement, et ou les talents n'attendent qu'à émerger. On peut ainsi toucher un autre public, plus jeune, et qui a désormais d'autres habitudes culturelles que ses ainés. Il faut en effet valoriser notre particularité, qui est de s'adresser au grand public plutôt qu'aux professionnels. Si nous ne sommes pas unique de notre côté, nous ne ferons qu'ajouter une cérémonie de plus dans un paysage qui en comporte déjà beaucoup.
L'idée est de faire des «Globes» une marque, comme peuvent l'être les Golden Globes américains ?
M.H. : Dans notre monde globalisé, ou les informations comme la culture circulent partout, il est important d'être reconnaissable, identifiable rapidement. Les anglo-saxons savent très bien exporter leurs créations. En France, nous avons besoin de développer cette marque. Nous avons vocation à nous développer à l'international. Lorsque vous voyagez en France, vous pouvez constater que la culture est un de nos points forts. Le monde nous envie notre prestige, notre vie culturelle. Comment peut-on, nous français, agir à l'international, être prescripteur ? Quand vous voyagez en Chine, les gens commencent à connaître les Césars, les Golden Globes, les Oscars, ce qui n'est pas encore le cas des Globes. Il faut donc faire de la pédagogie, faire briller la culture française.
La présence à l'international est devenue une nécessité pour exister ?
M.H. : Oui, tous les pays, tous les publics sont désormais connectés, informés, reliés. L'idée serait donc de décentraliser cette cérémonie, à l'identique, en Asie. Nous aurons toujours la cérémonie française, qui tire vers le haut l'ensemble de la marque «Globes de Cristal», pour la décliner ailleurs. On en ferait alors un événement itinérant, qui ferait étape sur le continent, en commençant dans un premier temps à Singapour par exemple. Les artistes français pourraient aller dans cette région, en tant qu'ambassadeurs de notre culture, car ils possèdent une véritable légitimité. Catherine Deneuve, Sophie Marceau, Gérard Depardieu, ou encore Karl Lagerfeld pour la mode, sont aussi des stars là-bas. Cela permettrait de faire le pont entre l'Europe et l'Asie.
Vous avez vocation à vous développer ailleurs ?
M.H. : Le continent africain mériterait aussi d'être valorisé, il manque un levier pour mettre en avant leur richesse culturelle. On parle sans cesse des liens économiques avec l'Afrique, mais il manque des ponts culturels. Tout le monde connaît Youssou N'Dour ou Amadou & Mariam, mais comment valoriser tous les autres artistes qui sont encore dans l'ombre de ces stars ? Cela permettra de donner de la visibilité à des artistes en devenir, de découvrir de nouveaux visages.Nous aurions donc trois cérémonies par an, sur le modèle français, mais avec quelques spécificités selon la région. En Afrique, l'accent serait plutôt mis sur les arts plastiques que sur la comédie musicale par exemple.
En dehors des temps forts de remises des prix, comment comptez vous faire vivre les Globes ?
M.H. : Une chaine de télé dédiée est en projet, globetv.com, dans laquelle on diffuserait du contenu comme des séries courtes, des portraits d'artistes... Elle serait disponible en Mandarin, en Arabe et en anglais. Elle serait alors une formidable carte de visite dans le monde entier, et permettrait, entre autre, de révéler une image positive du pays. Il n'y aurait alors plus de contraintes, ni de temps ni de lieu, pour appréhender cette diversité culturelle.
Les Etats-Unis multiplient les liens avec la Chine, vu comme un eldorado pour les industries culturelles. L'Europe, et surtout la France est-elle encore dans la course pour jouer un rôle dans ce soft power qu'est le divertissement ?
M.H. : Ce qui est intéressant, c'est que ces échanges ne se font plus dans un seul sens. Ce sont des investisseurs chinois qui ont racheté les Golden Globes par exemple, et de nombreuses salles de cinéma. Ils s'implantent aussi dans les studios hollywoodiens. Paradoxalement, les Chinois adorent la France, sa culture, son patrimoine. Mais il n'y a jamais eu de ponts culturels entre les deux nationsn, en dehors de quelques visites ponctuelles, pour des festivals, mais peu de communication et de médias. Nous Français, nous sommes toujours méfiants quand des investisseurs étrangers souhaitent venir dans le pays, surtout dans un domaine comme la culture, avec un attachement très fort. Le meilleur moyen de dépasser ces réticences, que je peux comprendre, c'est justement de proposer de notre côté une marque, des événements, un produit fini, pour garder la main sur ce secteur à valoriser.
12 eme cérémonie des Globes de Cristal, 12 février 2018.