Le chef de file de l'opposition vénézuélienne Juan Guaido a accusé mardi le pouvoir chaviste de vouloir «bâillonner» l'Assemblée nationale, dont les accès étaient bloqués par les forces de l'ordre, empêchant ainsi les députés de siéger.
Le pouvoir «tente de bâillonner par la force le Parlement qui est la seule instance légitime (du Venezuela, ndlr) reconnue par le reste du monde», a déclaré Juan Guaido, qui préside l'Assemblée nationale, lors d'une conférence de presse.
A l'aube, des effectifs de la police, de la Garde nationale bolivarienne, un corps militarisé, et des services de renseignement (Sebin) ont été déployés autour du Palais fédéral et ils en interdisaient l'accès aux députés et aux journalistes, a constaté l'AFP.
Dans l'après-midi, la police continuait de bloquer les accès, selon un journaliste de l'AFP.
Le Parlement est la seule institution vénézuélienne contrôlée par l'opposition à Nicolas Maduro auquel Juan Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, réfute toute légitimité.
Face à la presse, les députés ont accusé le Sebin, les services de renseignement, d'avoir investi le bâtiment, «prétextant la présence d'engins explosifs» pour les tenir à l'écart.
«Aujourd'hui, le Palais fédéral législatif est occupé par l'armée. (Le pouvoir) a peut-être la force brute mais il ne convainc pas (...). Tout ce qui lui reste c'est la persécution, le harcèlement et la levée d'immunités» parlementaires, s'est insurgé Juan Guaido, tout en annonçant une nouvelle séance pour mercredi.
Les parlementaires devaient débattre mardi des poursuites contre leurs pairs accusés par la Justice d'avoir «activement» soutenu le soulèvement manqué du 30 avril, auquel avait appelé Juan Guaido.
Depuis, le pouvoir chaviste concentre son offensive sur l'Assemblée nationale en pourchassant les «traîtres» responsables, à ses yeux, de cette opération.
Mardi, la Cour suprême, accusée d'être aux ordres du chef de l'Etat, a ordonné l'ouverture de poursuites pénales contre quatre députés d'opposition accusés d'avoir soutenu l'appel au soulèvement, portant à 14 le nombre de parlementaires dans le collimateur de la justice.
Des 14 députés poursuivis, Edgar Zambrano, le vice-président de l'Assemblée nationale, a été arrêté la semaine dernière et transféré dans une prison militaire, tandis que trois députés sont réfugiés dans des résidences diplomatiques et un autre a fui en Colombie voisine.
«Usage excessif de la force»
Juan Guaido tente de déloger Nicolas Maduro du pouvoir depuis fin janvier. Il le qualifie d'«usurpateur» en raison de l'élection présidentielle «frauduleuse» de l'an dernier qui a permis au chef de l'Etat de se maintenir au pouvoir.
L'opposant de centre droit dit avoir le soutien de la rue, mais les nombreuses manifestations anti-Maduro auxquelles il appelle font de moins en moins recette.
Ces manifestations ont parfois été émaillées de violents heurts avec les forces de l'ordre.
Et lors de manifestations en janvier, le gouvernement a fait un «usage excessif de la force», «de manière systématique et généralisée», s'est indignée Amnesty International dans un rapport publié mardi.
L'ONG de défense de droits de l'homme appelle la Cour pénale internationale (CPI) à enquêter sur des «crimes contre l'humanité» qui pourraient avoir été commis en janvier, au moment de la proclamation de Juan Guaido comme président par intérim.
Au plan international, Nicolas Maduro, président depuis la mort de son mentor Hugo Chavez en 2013, a notamment le soutien de l'Iran et de la Russie.
A l'inverse, les Etats-Unis soutiennent Juan Guaido, qu'ils reconnaissent comme président par intérim. Ils ont mis en place de nombreuses sanctions contre des responsables du gouvernement Maduro pour tenter de le pousser vers la sortie.
Mardi, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a justement appelé Moscou à «cesser» de soutenir Nicolas Maduro, lors d'une conférence de presse avec son homologue russe Sergueï Lavrov à Sotchi. Sa demande a été fermement rejetée par la Russie.
Juan Guaido a, lui, demandé à son représentant à Washington de prendre contact avec le commandement américain pour l'Amérique du Sud (Southcom).
Carlos Vecchio a donc écrit à l'amiral Craig Faller, qui dirige le Southcom, pour mettre en place une «coopération stratégique et opérationnelle afin d'en finir avec la souffrance de notre peuple et restaurer la démocratie».