Les partisans de l'opposant vénézuélien Juan Guaido s'apprêtaient samedi à marcher "en paix" vers les casernes pour exhorter une nouvelle fois l'armée à lâcher le président Nicolas Maduro, quatre jours après l'échec d'une tentative de soulèvement militaire.
"De façon civique, pacifique (...) nous allons remettre un document simple, un manifeste aux forces armées pour qu'elles écoutent l'appel du Venezuela, pour une transition rapide vers des élections libres", a déclaré Juan Guaido lors d'une conférence de presse vendredi.
Il a appelé ses partisans à éviter les provocations lors de ces nouvelles manifestations. "Notre combat se déroule et va continuer à se dérouler dans le cadre de la Constitution", a fait valoir l'opposant de 35 ans, qui s'est autoproclamé président par intérim du pays le 23 janvier et a été reconnu comme tel par plus d'une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis.
Le président socialiste Nicolas Maduro a lancé une chasse aux "traîtres" dès mardi soir, lorsqu'il a affirmé avoir déjoué une "escarmouche putschiste" entreprise par un petit groupe de militaires entrés en rébellion pour rejoindre Juan Guaido.
Les heurts qui ont suivi ce soulèvement raté ont fait au moins quatre morts et 200 blessés mardi et mercredi, selon Amnesty International. Quelque 25 militaires rebelles ont demandé l'asile aux ambassades du Brésil et du Panama et une des figures de l'opposition, Leopoldo Lopez, s'est réfugié dans celle d'Espagne.
- "Traîtres à la patrie" -
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Le procureur général vénézuélien Tarek William Saab a annoncé vendredi avoir lancé 18 mandats d'arrêt contre des civils et des militaires impliqués dans le soulèvement raté. "Ils seront sanctionnés sévèrement car ce sont des traîtres à la patrie", a-t-il affirmé, sans citer les noms des personnes recherchées.
Le mécontentement populaire est alimenté par les conséquences de la pire crise de l'histoire récente du Venezuela. L'hyperinflation pourrait atteindre 10.000.000%, selon le FMI, les coupures de courant se multiplient et les hôpitaux ne peuvent plus soigner les malades, faute de médicaments et d'équipements.
Mais l'armée, acteur central du pouvoir vénézuélien qui contrôle les immenses richesses pétrolières du pays, affiche jusqu'à présent un soutien sans faille à M. Maduro.
M. Guaido a promis l'amnistie aux militaires qui basculeraient dans son camp. Il a affirmé à plusieurs reprises qu'un grand nombre d'entre eux étaient prêts à le faire, sans que cela ne se soit traduit dans les faits jusqu'à présent. Il a accusé vendredi M. Maduro d'avoir soumis ses généraux au détecteur de mensonges pour s'assurer de leur loyauté après la tentative de soulèvement.
"Je veux lancer un appel à ces soldats", a affirmé l'opposant. "Qu'ils comparent la réponse du peuple vénézuélien (...) à ceux qui s'enferment et se cachent entre quatre murs, qui font passer tout le haut commandement au détecteur de mensonges", a-t-il lancé pendant un discours devant des travailleurs pétroliers.
Le groupe de Lima, qui rassemble 14 pays d'Amérique ayant pour la plupart reconnu M. Guaido, a invité vendredi Cuba, dont le gouvernement soutient Nicolas Maduro, à faire office de médiateur dans la crise vénézuélienne.
- "Echange positif" Trump-Poutine -
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Réunis dans la capitale péruvienne, les ministres des Affaires étrangères du groupe de Lima ont appelé "la Russie, la Turquie et tous les pays qui soutiennent encore le régime illégitime de Nicolas Maduro à favoriser le processus de transition démocratique", selon un communiqué.
Le président américain Donald Trump a pour sa part, de manière surprenante, vanté un "échange très positif" avec son homologue russe Vladimir Poutine sur le Venezuela, dossier sur lequel les deux pays s'accusent mutuellement de jouer un jeu dangereux.
Le ton monte depuis plusieurs mois entre Washington, qui soutient M. Guaido et réclame le départ de M. Maduro, et Moscou qui accuse les Etats-Unis d'essayer d'organiser un "coup d'Etat" au Venezuela.
M. Trump a adopté un ton particulièrement conciliant vis-à-vis de Moscou qui tranche singulièrement avec celui de ses principaux conseillers et du département d'Etat.
"Vladimir Poutine ne cherche pas du tout à s'impliquer au Venezuela au-delà du fait qu'il aimerait voir des développements positifs", a-t-il assuré depuis le Bureau ovale. "Nous avons eu une conversation très positive", a-t-il insisté.
Le compte-rendu du Kremlin, qui a tenu à souligner que l'appel avait eu lieu à l'initiative de Washington, était de son côté très éloigné de la tonalité de l'hôte de la Maison Blanche. "L'ingérence dans les affaires intérieures, les tentatives de changement par la force du pouvoir à Caracas sapent les perspectives d'un règlement politique du conflit", a mis en garde Moscou.