Le Parti socialiste a désigné samedi l'essayiste Raphaël Glucksmann comme tête de liste pour les Européennes, faisant pour la première fois de son histoire le choix critiqué de s'effacer derrière un candidat de la société civile pour ce scrutin.
Il a été adoubé à une large majorité par une résolution du Conseil national du parti réuni à Paris : 128 membres ont voté pour, cinq contre, dont le sénateur Rachid Temal, pourtant membre de la direction.
Trois se sont abstenus. Trente-cinq, proches de l'ancien ministre Stéphane Le Foll, qui a annoncé qu'il quittait le Bureau national avec une partie des siens, et du député Luc Carvounas, n'ont pas pris part au vote. Une dizaine de représentants du courant de M. Le Foll ont cependant voté pour la résolution, selon Marie Le Vern qui en fait partie. L'aile gauche du PS l'a aussi soutenue.
"Je suis fier à la fois de soutenir une liste qui sera une liste de rassemblement, fier de la porter avec Raphaël Glucksmann, et je le dis aussi, fier d'être socialiste", a déclaré le premier secrétaire du PS Olivier Faure dans son discours.
M. Glucksmann avait annoncé vendredi sur France Inter sa volonté de conduire une liste de rassemblement de la gauche, appelant les autres partis de gauche à le rejoindre, au premier rang desquels le PS, avec qui des discussions étaient engagées depuis le mois de septembre.
Le fondateur de Générations Benoît Hamon et le chef de file d'EELV pour les Européennes Yannick Jadot ont rejeté cette main tendue. "Un vote en faveur d'une liste socialiste est une voix perdue pour la gauche", a tranché M. Hamon, ancien candidat PS à la présidentielle.
"Je suis un peu triste ce matin, même si je ne jetterai l’anathème sur personne", a déclaré Luc Carvounas membre du Bureau national du PS dans un communiqué, tout en critiquant "un grave problème de méthode politique" et souhaitant des "conditions précises et définies".
Cette décision ne fait pas non plus l'unanimité au sein de Place publique: Thomas Porcher, membre fondateur, a annoncé dans le Journal du Dimanche son départ du mouvement.
"Je n’ai pas envie de servir de caution de gauche au PS, ni que Place publique soit le nouvel emballage d’un produit périmé", a déclaré Thomas Porcher au JDD. Il déplore une décision "prise par un petit cercle" au sein du mouvement et qui, "en termes de démocratie et de renouvellement des pratiques, est une trahison de la promesse initiale".
- "Pas un effacement" -
M. Faure s'est efforcé dans son discours de désamorcer les critiques de ses camarades. "Ayons le courage de dire que pour nous, pour la première fois c'est vrai, et c'est historique, nous disons le rassemblement avec d'autres oui, et pas seulement derrière nous !", a lancé le député de Seine-et-Marne sous des applaudissements nourris.
"Non, ce n'est pas un effacement", a-t-il assuré, promettant qu'il y aurait bien toujours le logo avec "le poing et la rose" sur les bulletins et les affiches du PS, mais "pas seul".
M. Faure a rappelé à ses détracteurs que certains étaient prêts il y a quelques semaines à laisser la tête de liste à l'écologiste Yannick Jadot, une pique visant M. Carvounas.
Pour lui, la "responsabilité historique" du PS, "c'est de répondre aux besoins de gauche, en France et en Europe, d'en finir avec ce face" Macron-Le Pen. "Par pitié (...) ne laissons pas à Nathalie Loiseau (candidate à l'investiture LREM, NDLR) le monopole de la réplique", a-t-il intimé.
A l'issue des travaux du Conseil national, M. Faure a rejoint Raphaël Glucksmann au départ de la marche pour le climat pour une photo commune, aux côtés de Claire Nouvian, cofondatrice de Place publique, et de la maire de Paris Anne Hidalgo.
Reste désormais à bâtir une liste commune. La résolution votée samedi par le PS prévoit la constitution d'une liste comportant pour moitié des candidats estampillés PS, pour moitié des candidats issus de Place publique, de la société civile et des autres formations politiques engagées dans des discussions avec le PS et Place publique.
Dans son discours, M. Faure a notamment cité Nouvelle Donne, dont le fondateur Pierre Larrouturou a porté avec succès depuis des mois l'idée d'un "Pacte finance climat", le Parti radical de gauche, l'UDE et Cap21.
Il a continué à tendre la main aux autres forces de gauche, se disant "triste" des "outrances" et des "anathèmes insensés" de Benoît Hamon.