Les autorités turques ont interpellé dans la nuit de jeudi à vendredi les deux coprésidents du HDP, principal parti prokurde de Turquie, au cours d'une vaste opération "antiterroriste" qui intervient dans un contexte tendu dans le sud-est à majorité kurde du pays.
Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, qui sont également députés, ont été placés en garde à vue dans le cadre d'une enquête instruite par le parquet de Diyarbakir (sud-est) portant sur des liens présumés avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), selon l'agence de presse progouvernementale Anadolu.
Au moins neuf autres députés du HDP (Parti démocratique des peuples), troisième force parlementaire en Turquie, ont été placés en garde à vue, et plusieurs autres étaient visés par un mandat d'arrêt, ont rapporté les chaînes d'information NTV et CNN-Türk.
Ce vaste coup de filet nocturne intervient dans un contexte très tendu, notamment depuis le placement en détention des deux maires de Diyarbakir, "capitale" du sud-est à majorité kurde de la Turquie ensanglanté par des combats quotidiens entre forces de sécurité et membres du PKK, considéré comme un groupe terroriste par Ankara.
Une perquisition était en cours au quartier général du HDP à Ankara, selon les images retransmises en direct par la chaîne d'information NTV.
Le HDP a posté sur son compte Twitter une vidéo qui semble montrer l'interpellation de Mme Yüksekdag à son domicile à Ankara. "Votre procureur est un bandit et vous aussi êtes des bandits !", crie la co-dirigeante du parti à l'endroit des policiers.
- 'Les policiers sont à la porte' -
Cette opération policière survient alors que la Turquie vit sous état d'urgence depuis la tentative de coup d'Etat de juillet. Plusieurs pays européens et ONG accusent les autorités turques de ne pas se limiter aux présumés putschistes et de cibler des opposants.
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Le président Recep Tayyip Erdogan considère que le HDP est étroitement lié au PKK et a fait savoir qu'il ne considérait plus cette formation comme un interlocuteur légitime, qualifiant régulièrement ses membres de "terroristes".
En mai, le Parlement turc a voté la levée de l'immunité des députés menacés de poursuites judiciaires, une mesure contestée visant notamment les élus du HDP.
M. Demirtas et Mme Yüksekdag font l'objet de plusieurs enquêtes sur de présumés liens avec le PKK, mais ont assuré à plusieurs reprises qu'ils ne se rendraient pas de leur plein gré à une éventuelle convocation de la justice.
M. Demirtas, un temps surnommé l'"Obama kurde" en raison de son charisme, a longtemps été considéré comme un potentiel rival de M. Erdogan sur une scène politique dominée par le chef de l'Etat turc.
"Les policiers sont à la porte de mon domicile à Diyarbakir avec une décision de placement en garde à vue par la force", a déclaré M. Demirtas sur Twitter peu avant son interpellation.
Le HDP, qui compte 59 députés au Parlement turc, dément être l'"aile politique" du PKK.
La garde à vue des députés du HDP survient quelques jours après le placement détention pour "activités terroristes" des deux maires de Diyarbakir dimanche, une mesure qui avait déclenché plusieurs manifestations.
Le PKK, considéré par Ankara et ses alliés occidentaux comme un groupe terroriste, et l'armée turque ont rompu, à l'été 2015, un fragile cessez-le-feu et repris les hostilités, qui ont fait plus de 40.000 morts depuis 1984.