Radiohead, The Cure, Julianne Moore, Kevin Bacon… Des milliers d’artistes ont ce mardi signé une lettre de protestation contre l’exploitation de leur travail par les outils d’intelligence artificielle.
Plus de 11.500 artistes, stars de la musique, du cinéma ou encore de la littérature, ont ce mardi signé une pétition avertissant de leur refus de l'utilisation de leurs créations pour alimenter les algorithmes de l'intelligence artificielle (IA).
«L'utilisation sans licence d'œuvres créatives pour former une IA générative est une menace majeure et injuste pour les moyens de subsistance des personnes à l'origine de ces œuvres, et ne doit pas être autorisée», indique la pétition alors qu’Hollywood a, ces dernières années, commencé à exploiter l'intelligence artificielle qu’il s’agisse de faire revivre un acteur décédé, de générer des images pour les besoins d’un film ou même plus en amont de la création, pour participer à l'écriture de scénarios.
Parmi les signataires figurent des musiciens comme Björn Ulvaeus du groupe ABBA, Robert Smith, de The Cure, Thom York de Radiohead, des acteurs, à l’instar de Julianne Moore, Kevin Bacon et Rosario Dawson ou encore des écrivains dont le romancier lauréat du prix Nobel Kazuo Ishiguro.
Cette déclaration, qui a également été signée par des réalisateurs, des journalistes et des photographes, intervient alors que les créateurs sont engagés depuis des mois dans une bataille pour renforcer les protections de l'industrie contre l'IA.
Selon le Guardian, la pétition a été initiée par le compositeur et ancien employé du secteur de l'IA Ed Newton-Rex qui affirme que les entreprises spécialisées utilisent sans les payer des contenus protégés par des droits d'auteur pour nourrir les algorithmes qui ont besoin de ces données pour en générer de nouvelles.
Les nouvelles dispositions pas suffisantes
L'année dernière, les acteurs américains s’étaient mis en grève notamment pour réclamer davantage de réglementations pour se protéger contre les avancées de l'IA qui peuvent reproduire les voix, les apparences et les mouvements des artistes, ce qui a soulevé de graves inquiétudes quant au contrôle des individus sur leur propre image.
En novembre 2023, le syndicat SAG-AFTRA a publié un résumé de l'accord provisoire du syndicat avec les studios, qui permettrait aux membres de pouvoir donner leur consentement et d'être rémunérés pour l'IA générative utilisée pour reproduire leur apparence.
Du côté de l’industrie musicale, les artistes ont exprimé leurs inquiétudes quant aux effets néfastes que peut avoir la musique générée par l’IA en raison de son imitation des voix humaines.
Un accord provisoire conclu plus tôt cette année avec les principales maisons de disques comprend des protections pour les artistes contre l'utilisation de la technologie de l'IA qui, s'il devait être ratifié, entrerait en vigueur immédiatement et s'étendrait jusqu'à la fin de 2026.
Selon l’accord, les termes «artiste», «chanteur» et «artiste rémunéré» ne concerneront que les humains, a précisé le syndicat. L'accord exigeait également un «consentement clair et visible» et des «exigences de rémunération minimale» avant la diffusion d'un enregistrement sonore utilisant une réplique numérique de la voix d'un artiste, selon le syndicat.
À l’heure actuelle, plusieurs litiges juridiques sont en cours entre des entreprises technologiques et des acteurs des industries créatives qui estiment que l’utilisation non autorisée de leurs œuvres pour former des modèles d’IA, tels que Chat GPT, constitue une violation du droit d’auteur.
Le recent coup de gueule de Nicolas Cage
Parmi les nombreuses stars à avoir pris la parole sur le sujet, l’acteur Nicolas Cage a récemment fermement pris position contre l'IA et souhaite que les jeunes acteurs du monde entier se battent également. Selon Deadline, il a déclaré lors d’un discours prononcé ce 20 octobre 2024 dans le cadre du 25e Festival du film de Newport Beach : «Pour moi, la performance dans un film est un processus artisanal, organique, qui se fait de toutes pièces. Cela vient du cœur, de l'imagination, des pensées, des détails, de la réflexion, du perfectionnement et de la préparation.» Il a ensuite expliqué comment l'IA s'inspire du jeu d'acteur et de la réalisation de films authentiques.
«Il y a une nouvelle technologie en ville», a déclaré Nicolas Cage. «C'est une technologie avec laquelle je n'ai pas eu à composer pendant 42 ans jusqu'à récemment. Mais ces 10 jeunes acteurs, cette génération, le seront très certainement, et ils l'appellent EBDR. » «Cette technologie veut prendre votre instrument. Nous sommes les instruments en tant qu'acteurs de cinéma. Nous ne nous cachons pas derrière des guitares et des percussions», a-t-il dit.
L’EBDR est l’un des deux outils de réplique numérique autorisés dans l'accord signé par SAG-AFTRA avec l'Alliance of Motion Pictures and Television Producers l'année dernière. «Ce type d’IA générative est créé grâce à la participation physique de l’artiste à un projet spécifique dans le cadre des conditions d’emploi», a expliqué Deadline. «Alors que les règles de l’EBDR annulent l’attrait des mesures d’économie de coûts pour l’IA – comme le fait que les employés qui travaillent moins de jours en raison de l’EBDR seront toujours payés pour les jours EBDR – il existe des règles différentes pour les artistes de l’annexe F qui gagnent plus de 80.000 $ pour un film et sont censés avoir l’influence nécessaire pour négocier leurs propres conditions.», a détaillé le magazine.
«Les studios veulent cela pour pouvoir changer votre visage après que vous ayez déjà tourné le film – ils peuvent changer votre visage, ils peuvent changer votre voix, ils peuvent changer votre façon de prononcer vos répliques, ils peuvent changer votre langage corporel, ils peuvent changer votre performance», a également averti Nicolas Cage à son public, citant son apparition dans «The Flash» qui a été créée avec l’EBDR.
Dans une conversation précédente avec The New Yorker, il avait déclaré : «J'ai peur de ça (l'IA). J'en ai parlé très ouvertement.» «Et cela me fait me demander, vous savez, où finira la vérité des artistes ?» a-t-il poursuivi. «Est-ce qu'elle va être remplacée ? Est-ce qu'elle va être transfigurée ? Où sera le battement de cœur ? Je veux dire, que ferez-vous de mon corps et de mon visage quand je serai mort ? Je ne veux pas que vous en fassiez quoi que ce soit !»