Présenté en compétition officielle lors du dernier Festival de Cannes, «Megalopolis» marque le retour attendu de Francis Ford Coppola derrière la caméra, avec ce film auto-financé en gestation depuis les années 1980. Un récit rétrofuturiste à la fois grandiose et décousue.
L’empire n’a jamais pris fin. Le film «Megalopolis» n’est pas un film comme les autres. En salles ce mercredi, il signe le retour à la mise en scène de Francis Ford Coppola, réalisateur doublement récompensé par une Palme d’or au Festival de Cannes – en 1974 pour «Conversations secrètes» et en 1979 pour «Apocalypse Now» - qui développe patiemment ce long métrage depuis les années 1980. Plus incroyable encore, il a investi près de 130 millions de dollars de sa fortune personnelle, en hypothéquant une partie de ses vignobles, afin de s’assurer une totale liberté de création, pour ce qui était annoncée comme l’œuvre de sa carrière.
L’histoire est celle d’un architecte de génie, Cesar Catilina (Adam Driver, exceptionnel), qui rêve de rebâtir la ville de New Rome à l’aide d’un matériau révolutionnaire et indestructible. Celui-ci doit permettre de révolutionner la société et la manière de vivre des populations, dans une logique d’harmonie avec la Terre, afin d’assurer un avenir viable aux futures générations. Une utopie qui ressemble plus à une dystopie pour le maire de la ville, Franklin Cicero, qui jure de tout mettre en œuvre pour empêcher Cesar de mener à bien ses projets.
Une fable rétrofuturiste décousue
Avec sa liberté créative, Francis Ford Coppola avait la latitude nécessaire pour mettre en image ce long métrage qu’il développe depuis près de quarante ans. Le réalisateur de 85 ans déborde d’idées, et se montre soucieux de faire passer plusieurs messages qui lui tiennent à cœur dans «Megalopolis», où il dénonce à la fois la décadence de l’ultra-richesse, l’immobilisme mortifère des classes dirigeantes angoissées à l’idée de perdre leur influence, la pauvreté croissante et la gronde sociale, ou encore la nécessité de penser l’avenir à travers la préservation de la nature.
Toutes ces idées s’inscrivent dans le récit de son personnage principal, Cesar Catilina, parfaitement maîtrisé par Adam Driver, qui incarne à merveille ce génie de l’architecture rongé par le deuil, et rêvant de bâtir un monde meilleur. Le problème majeur de «Megalopolis» reste toutefois le manque cruel de rythme et de coordination entre les différentes étapes du film, ce qui laisse le spectateur un peu perdu à certains moments. Au risque de le perdre définitivement. Un héros maître des horloges, un héritier méprisé qui a soif de vengeance, une fausse vierge, une foule de manifestants sans visage, un délire alcoolique et narcotique, un satellite de l’U.R.S.S. qui menace de s’écraser, etc. tous ces événements s’enchaînent de manière trop décousue pour réussir à donner un véritable sens au propos.
L’insistance de Francis Ford Coppola à faire un parallèle entre la chute de l’empire romain et la décadence de la société américaine moderne qui la mènerait à sa perte peut prêter à sourire, et même agacer à certains moments (les citations de Marc Aurèle). Il y a également une utilisation maladroite des effets spéciaux, qui donnent parfois un côté kitsch à l’ensemble. «Megalopolis», malgré son casting bien fourni, nous sert une fable rétrofuturiste loin d’être à la hauteur de l’attente suscitée. Et pourtant, on se surprend devant le film à se demander où le réalisateur veut en venir, et ce qu’il essaie de transmettre. Une interrogation qui, dans ce cas précis, n’est malheureusement jamais un bon signe.