Depuis le scandale ayant éclaté au sein de l’Université d’Harvard, pour avoir possédé un livre composé de peau humaine, des interrogations émergent. Ce livre est un exemple du système macabre de «bibliopégie anthropodermique», encore très populaire il y a 150 ans et devenu inconnu de nos jours.
Il est très difficile d’imaginer que cette pratique ait réellement pu exister. Dans un communiqué du jeudi 28 mars, la prestigieuse université d’Harvard a présenté ses excuses pour la détention depuis près d’un siècle du livre français, «Des destinées de l’âme» d’Arsène Houssaye, relié avec de la peau humaine. Un procédé appelé la «bibliopégie anthropodermique».
Le service des bibliothèques de l’université avait révélé en 2014, à la suite de tests scientifiques, que ce livre était celui d’un ancien étudiant du début du XXe siècle. Il aurait été recouvert et relié par le médecin et bibliophile, Ludovic Bouland, à partir de la peau d’une patiente décédée, atteinte de troubles mentaux, sans son consentement.
Consciente d’avoir ainsi touché à la dignité humaine de cette femme, Harvard a reconnu ses torts. Pour autant, ce livre est bien loin d’être le seul à avoir fait les frais de cette technique de reliure plus que particulière.
Quelles sont les origines de cette sinistre pratique ?
Le terme «bibliopégie anthropodermique», qui puise étymologiquement son nom des mots livres, être humain et peau, a été utilisé pour la première fois en 1946, par Lawrence Sidney Thompson, directeur des bibliothèques de l’université du Kentucky. Celui-ci travaillait sur un article à propos de l’utilisation de la peau humaine pour fabriquer des objets.
En 1710, le juriste bibliophile Zacharias Conrad von Uffenbach mentionnait l’utilisation de peau humaine pour les livres, dans son ouvrage sur ses voyages en Europe, devenant ainsi la première référence de cette pratique à notre connaissance.
Dans la majorité des cas, il s’agissait de reliures commandées par des médecins à la suite des exécutions de criminels. Une forme de deuxième châtiment après la mort. Toutefois, cette pratique macabre restait rare et extrêmement marginale. Posséder un tel ouvrage reste extrêmement rare. D’où le caractère davantage exceptionnel de la présence du livre d’Arsène Houssaye à Harvard.
Bien qu’assez confidentielle, cette technique a finalement totalement disparu au XXe siècle avec la Seconde Guerre mondiale. Les travaux menés par Jennifer Kerner ont permis de répertorier 132 volumes de ce type et d’en localiser 70, majoritairement conservés dans des bibliothèques universitaires ou des musées.