Le prix World Press Photo 2024 pour l'Europe a été décerné à Adem Altan, photographe AFP, pour une image bouleversante du séisme en Turquie en février 2023.
Le photographe AFP Adem Altan a remporté le 3 avril, le prix World Press Photo 2024 pour l'Europe, dans la catégorie Images Uniques. Il a été récompensé par le jury régional de ce prestigieux concours pour sa photo poignante d'un père qui refuse de laisser sa fille de 15 ans ensevelie sous les décombres d'un immeuble, dans la ville turque de Kahramanmaras, au lendemain du terrible séisme qui a frappé, dans la nuit du 6 février, la Turquie et la Syrie.
L'image puissante d'Adem Altan a particulièrement émue le jury, celui-ci estimant que cette photo réprésentait la tragédie et mettait en évidence les conséquences combinées d'une catastrophe naturelle et de la corruption. Suivi de plusieurs répliques, ce tremblement de terre dévastateur, a fait plus de 50.000 morts et 3,3 millions de déplacés. Le nombre élevé de victimes s'explique notamment par des bâtiments mal construits, voire illégaux, et par le fait que le tremblement de terre s'est produit à 4h17, alors que de nombreuses personnes dormaient.
Un symbole de l'horreur et de la douleur des victimes du séisme
«Je travaillais devant un immeuble effondré de Kahramanmaras, à l’épicentre du séisme qui a fait plus de 53.000 morts pour la seule Turquie, lorsque j'ai aperçu l’homme assis dans les décombres. Aucune équipe de secours n’étant encore arrivée sur place ce mardi 7 février 2023, au lendemain du désastre, les habitants tentaient eux-mêmes de dégager les ruines pour sauver leurs proches», a déclaré le photographe.
«L’homme en veste orange restait immobile au milieu du tumulte, insensible à la pluie et au froid. Je me suis alors rendu compte que l’homme, à 60 mètres de moi, tenait une main dans la sienne. J'ai commencé à ''shooter'' la scène : le père tenant la main de son enfant morte sans la lâcher, dans les décombres et la dévastation», a-t-il poursuivi.
«Pendant que je prenais des photos, l’homme me suivait des yeux, et m'a murmuré la voix cassée et tremblante : "Prends des photos de mon enfant". Il a laissé un instant la main qu’il ne voulait quitter pour me montrer l’endroit où gisait sa fille de 15 ans. Avant de la reprendre aussitôt. J’étais tellement touché à ce moment-là. J’avais les larmes aux yeux. Je me disais sans cesse, Mon dieu, c’est une douleur insupportable», a confié le photographe de l’AFP.
«Je lui a demandé alors son nom, ainsi que le nom de son enfant. "Ma fille, Irmak", a répondu le père, Mesut Hancer. J'ai tout de suite pensé que l’image résumait la douleur des victimes du séisme. Sans imaginer l’impact qu’elle aurait», a-t-il ajouté.
«Je pense que c'est une photo qui restera gravée dans les mémoires. Beaucoup m'ont dit qu'ils n'oublieront jamais cette image», a conclu Adem Altan.
Dès sa diffusion par l'AFP, elle a été publiée en Une par la presse du monde entier, et est devenue virale en étant partagée des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux.
Photographe de terrain depuis 40 ans, Adem Altan a rejoint, en 2009, l'Agence France Presse (AFP). Tout au long de sa carrière, il a largement couvert et documenté toutes les actualités en Turquie, en particulier les grandes manifestations de l'opposition à Istanbul en 2013, dites de Gezi, du nom d'un petit parc situé près de la place Taksim.
Le photojournaliste turc est en lice avec les autres gagnants régionaux pour le World Press Photo mondial, qui sera révélé à la mi-avril.
Depuis 2022, les lauréats de ce prestigieux concours international dédié au photojournalime et à la photo documentaire, sont désignés par des jurys régionaux (Afrique, Asie, Europe, Amérique du Nord et Centrale, Amérique du Sud, Asie du Sud-Est et Océanie) et mondiaux. Les jurys régionaux couronnent une sélection d'œuvres photographiques par région. A partir de cette sélection, un jury mondial composé des six présidents des jurys régionaux et du président du jury mondial, récompense ensuite les lauréats mondiaux dévoilés le 18 avril.