Après deux ans de procédure, la Comédie Française a gagné son procès contre deux experts du dramaturge. Ils accusaient l'institution d'avoir violé leurs droits d'auteur en présentant une version de «Tartuffe» qu'ils avaient réécrits sans les rémunérer.
Le Tribunal judiciaire de Paris a livré son verdict. Dans un jugement rendu ce 28 mars, dont l'AFP a obtenu une copie, les juges ont rejeté les accusations de violation des droits d'auteur émis par deux spécialistes de Molière contre la Comédie Française. La procédure concernait l'exploitation par le théâtre d'une reconstitution de la version originale de «Tartuffe», réalisée par l'universitaire Georges Forestier et la professeure de lettre Isabelle Grellet.
En effet, la pièce mondialement connue de Molière, intitulée «Le Tartuffe ou l'imposteur», n'est qu'une version édulcorée de l'originale. Écrite par le dramaturge en 1664, «Le Tartuffe ou l'hypocrite» était composée de trois actes (contre cinq pour la seconde version). Son caractère subversif et anticlérical n'avait pas plu à Louis XIV qui l'avait interdite après y avoir assisté. Le manuscrit a ensuite été perdu, laissant à la postérité le texte plus policé que l'on connait aujourd'hui, écrit en 1669.
La version de la discorde
En 2021, Georges Forestier et Isabelle Grellet ont publié aux éditions Portaparole une reconstitution de la possible première version de la pièce, fruit de leurs travaux de recherche scientifique. «La structure de la pièce a été entièrement changée, sa dramaturgie revue», a expliqué leur avocat M. Jean-Paul Carminati à l'AFP. Problème, si les deux experts ont donné leur accord pour que la Comédie Française exploite leur travail, ils n'ont touché aucune rémunération. Une violation de leurs droits d'auteur selon eux.
Mais le Tribunal judiciaire de Paris n'est pas de cet avis, considérant que l'auteur original reste Molière et qu'ils ne peuvent donc pas prétendre à la protection de leur travail par le droit d'auteur. «C'est un jugement que je trouve très sévère», a déploré leur avocat. «Même si l'on considère qu'il s'agit de recherche scientifique plutôt que de création littéraire, le droit d'auteur protège aussi les écrits scientifiques», a-t-il ajouté.
Si la Comédie Française «se satisfait naturellement de cette décision», elle ne souhaite pas la commenter, a déclaré son avocat, M. Julien Guinot-Deléry. Les spécialistes de Molière ont un mois pour décider s'ils font appel de cette décision.