Actuellement au Palais des Sports, «Molière le musical», retrace avec énergie, modernité et originalité la vie «digne d’un roman» du célèbre dramaturge, comme le remarque son auteur Dove Attia.
Une création en costumes entièrement chantée, entre pop et slam, saluée par la critique, et qui donne un coup de jeune à la figure classique et pourtant si moderne de Jean-Baptiste Poquelin (1622-1673). C'est ce grand homme du patrimoine français mis à l'honneur sur scène qu’évoque pour CNEWS le spécialiste du genre Dove Attia, auteur et compositeur de ce spectacle entraînant, intelligent, pédagogique et «feel good», à voir en famille.
Avec «Molière le musical», vous êtes de retour huit ans après «La légende du roi Arthur». Fallait-il un personnage comme Molière pour vous inspirer ?
Après «Le roi Arthur», je voulais arrêter. J’avais l’impression que je tournais un peu en rond. J’aime créer, j'avais amené une rupture avec «Mozart l’opéra rock», qui proposait quelque chose de différent par rapport à ce qui se faisait à l’époque. Ensuite, «1789, les amants de la Bastille» était un beau sujet traitant des droits de l’Homme, après il y a eu «La Légende du roi arthur», mais c'était la même formule, et je me suis dit j’arrête les comédies musicales.
Et j'ai voyagé, j’ai vu plusieurs spectacles comme «Come from away», «Hamilton». Il y avait quelque chose de nouveau dans la narration, dans la mise en scène, et là j'ai pensé qu'il y avait une nouvelle manière de faire de la comédie musicale, de la faire évoluer. J’avais Molière dans un coin de la tête depuis «Le roi soleil», parce qu'à l'époque, j’avais découvert qu’il avait eu une vie exceptionnelle, et à un moment c'est devenu évident. On connait tous ses œuvres mais on ne connaît pas forcément sa vie qui est digne d’un roman, digne d’un grand film et j'ai voulu raconter Molière avec cette forme de narration très moderne, tout en l'associant à ce que je sais faire.
D'où l'idée de raconter la vie de Molière à travers un spectacle en costumes, dans des décors incroyables mais intégralement chanté, alternant des chansons pop et des dialogues en slam?
Au lieu d’alterner des chansons et des dialogues comme le fait la comédie musicale depuis vingt ans, le spectacle propose des chansons mélodiques pop et pour la partie narrative des chansons slamées - qui ne sont pas du rap mais du slam, plus proche de ce que font Grand Corps Malade ou MC Solaar. C'est différent de tout ce que j'ai fait avant. Cela donne une forme et un spectacle inédit en France.
La comédie musicale n’a pas beaucoup bougé en France, alors que nos goûts ont changé en regardant les séries, les clips. Le rythme a changé. On s’est habitué à un rythme plus accéléré. Il fallait que ça évolue. Cette alternance donne un rythme époustouflant. Et le fait qu’il y ait un côté slamé donne un langage élégant, parce que l’on parle avec des rimes, des pieds et des alexandrins, langage qui est conforme à l’image que l’on a des textes de Molière. D'ailleurs, quand on prend les textes de Molière, il n’y a rien à faire, le slam vient naturellement parce que c’est la musicalité des textes de Molière. C’est de la poésie le slam. Et puis il fallait exposer la modernité de Molière. Ça va à toute allure et c’est ce qu’est Molière.
La vie de Molière a tous les ingrédients d'un grand roman : les amours scandaleuses, les ennemis, l'homme libre qui dérange.
Quelle image avez-vous de Molière?
Cela fait trois ans que je vis avec Jean-Baptiste Poquelin, c'est mon meilleur ami. Molière, c’est le chef de troupe, l’énergie, le côté solaire, celui qui sait séduire les puissants, qui parle aux grands. Celui qui relève sa troupe quand elle n’a plus le moral. C’est celui qui entraîne, donc il a cette énergie, et cette énergie on la retrouve dans la musique. Sa vie a tous les ingrédients d'un grand roman : les amours scandaleuses, les ennemis, l’homme libre qui dérange, son amitié avec le roi soleil.
Que raconte le spectacle de sa vie?
Le spectacle s'ouvre quand Molière a 20 ans et est face à un choix cornélien : accepter la charge de tapissier du roi que son père lui cédait ou suivre son grand amour, Madeleine Béjart, qui est comédienne. Il refuse la sécurité de l’argent pour suivre Madeleine, à une époque où le métier de comédien était un métier maudit.
De là, se succèdent les années de galère, la rencontre avec le frère du roi, le succès, l’écriture des «Précieuses ridicules», «L'Ecole des femmes», «Tartuffe», les ennemis qui s’accumulent, la gloire, la chute, mais aussi ses amours et tout ce qui a traversé sa vie. Grâce à Ladislas Chollat, véritable magicien de la mise en scène, les décors d'Emmanuelle Favre, les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz, on est dans les coulisses de la vie de l’homme de théâtre.
Donner un coup de jeune à l’image de Molière, est-ce l’un des objectifs de ce spectacle ?
J’ai étudié Molière à l’école et puis je l’ai relu à l’âge adulte. Molière, c’est comme le bon vin, il faut une éducation pour apprécier le bon vin. Il est vrai que son théâtre, avec de longs monologues, est parfois loin de sembler actuel dans la forme, et pourtant Molière est une figure hyper moderne. J'ai voulu montrer cette modernité.
Molière est un génie, il a inventé la comédie moderne.
Molière est un génie. Il a inventé la comédie moderne. C’est l’ancêtre de Feydeau et de toutes les comédies. Molière est un sociologue et dépeignait la nature humaine qui n'a pas changé. Quand il écrit «Les Précieuses Ridicules», il critique les mondains, les bobos parisiens, c’est très actuel. Quand il fait «L'école des femmes» et évoque le droit des femmes à choisir leur mari, c'est un énorme scandale et très moderne. Mon but, c’est que les gens s’attachent à Molière, qu’ils s’y intéressent, qu'ils sortent avec des étoiles dans les yeux.
Décors, costumes... avec «Molière le musical», peut-on parler de spectacle total, à la fois musical, historique, pédagogique, familial ?
Un voyage historique, c'est sûr. Le public est transposé au 17e siècle par les costumes, les décors. Pédagogique toujours. Cela a toujours été ma marque. Quand les gens sortent, ils ont appris des choses. J’aime être fidèle à l’esprit de l’histoire et du personnage. Je dis bien à l’esprit parce que nous ne sommes pas des historiens, mais on respecte l’histoire. Et puis c’est un spectacle qui réunit toutes les générations. Avec Ladislas Chollat (metteur en scène de théâtre et de comédies musicales à qui l'on doit nombre de pièces à succès «Harold et Maude», «Le Père», «Le Fils», «Résiste»... Ndlr), on voulait un spectacle «feel good», joyeux, coloré. On voulait qu'il y ait de l’émotion parce que l’émotion est le maître mot d’un beau spectacle.
Vous êtes un habitué des spectacles XXL, pourtant vous avez qualifié celui-ci de «titanesque», est-il votre spectacle le plus ambitieux ?
Ce n’est pas mon plus gros spectacle parce que «Les 10 commandements» c'était énorme, mais je dirais que c'est mon spectacle le plus abouti et le plus ambitieux. J'ai mis trois ans à écrire le livret, au lieu d'une année habituellement. On ne peut pas faire d’erreurs avec Molière. Ce qui a été titanesque me concernant, c’est la bande musicale. Il y a 52 titres qui durent entre une et trois minutes, dont 22 chansons purement mélodiques et 30 chansons narratives, où il fallait que le slam colle au dialogue à la seconde près.
Ensuite, ce qu’a fait Ladislas Chollat et son équipe a aussi été titanesque. Le casting a été très long. Il y avait des exigences de chant mais aussi de jeu. Il fallait correspondre parfaitement au personnage. Molière, nous avons mis un an et demi à le trouver. Et puis le décor est énorme, c’est l’un des plus gros décors que j’ai eu. Ceux qui me suivent depuis mes débuts me disent que c’est mon plus beau spectacle. Je ne sais pas si c’est le meilleur, parce que quand on a des enfants, on les aime tous, mais c’est celui dans lequel j’ai le plus mis mon âme et j’ai mis le plus de moi dans mon écriture. C’est le spectacle le plus sincère que j’ai fait.
«Molière, le musical», actuellement au Palais des Sports - Dôme de Paris, Porte de Versailles, Paris 15e. Puis en tournée dans l'Hexagone.